DIVERSION : chronique

27-03-2015 - 10:57 - Par

Will Smith et Margot Robbie, couple glamour et virevoltant, font valser les codes du film d’arnaque et de la comédie romantique, devant la caméra élégante de Glenn Ficarra et John Requa. Top classe.

Une vue aérienne et nocturne de New York, un petit jazz tranquillou. Le ton est donné dès le plan d’ouverture : DIVERSION ne va pas être bien violent. Avec son postulat de film criminel, dans lequel le patron d’un réseau lucratif et complètement illégal (Will Smith, parfait comme souvent) va coacher une jeunette (Margot Robbie, tout aussi excellente) au jeu dangereux de l’arnaque à échelle moyenne, on pouvait toutefois s’attendre à un demi-film d’action, un wannabe OCEAN’S 11 paritaire. Mais Glenn Ficarra et John Requa, réalisateurs de I LOVE YOU PHILLIP MORRIS ou CRAZY STUPID LOVE, aiment à brouiller les pistes et déjouer les attentes. Lorsqu’on pense qu’il s’agit d’un film de casse, ils nous emmènent sur le terrain plus sombre du drame psychologique… pour tout désamorcer et nous ramener vers la comédie romantique. Ils papillonnent pour finalement fusionner les trois genres dans un long-métrage insaisissable à l’écriture imparable. Exit l’exercice laborieux et répétitif des « actes », des « climax », des « épilogues » : Ficcara et Requa n’obéissent pas au diktat du normalisme hollywoodien et préfèrent raconter cette histoire d’amour compliquée avec un récit doux et légèrement détaché. DIVERSION est languide et sensuel, au diapason d’un sujet tout aussi charnel et tactile : séduire sa cible pour la distraire, charmer pour s’approcher, caresser pour piquer. L’art délicat de l’escroquerie relève de l’hypnose, du talent pour capter l’attention et la confiance de sa victime. En français comme en anglais, le titre du film est quasiment méta : « focus » (« concentration » en anglais) ou « diversion », c’est aussi ce qu’exigent les deux réalisateurs du spectateur ou ce qu’ils lui offrent. DIVERSION : une sorte de tour de passe-passe cinématographique. Face à cette galerie de personnages spécialistes du mensonge, il est naturel de remettre en question toute l’action, tous les mots, toutes les relations – les personnages de Smith et Robbie sont d’ailleurs finement écrits et s’avèrent assez fascinants dans leur rapport à l’argent et au luxe. Un film ludique bien sûr, mais surtout d’une espièglerie et d’une classe folles, alliant une écriture moderne au charme et à la sophistication des comédies des années 50. Entre deux airs de trompette en sourdine, retentit un « Sympathy for the Devil » tonitruant. Entre deux décors tape- à-l’œil de Las Vegas, les rues pittoresques de Buenos Aires. Entre deux jolies déclarations d’amour, une bonne vieille blague sur les nichons. Ficcara et Requa aiment surprendre à l’écriture mais aussi à la mise en scène. Elle est a priori discrète, au service de l’extraordinaire numéro de séduction des deux comédiens principaux, mais en fait, ultime pirouette, elle se révèle aérienne. Parfois même remarquable pour filmer un accident de voiture en plan-séquence. Peut-être que DIVERSION ne répond pas aux codes d’aujourd’hui, peut-être même appartient- il à un cinéma d’un autre temps. Mais dans le panorama actuel du tout spectaculaire, fonds de commerce des studios, il est rare de voir un film aussi élégant. Il est même surprenant de voir une star bankable comme Will Smith se départir des apparats du blockbuster pour se confronter à un cinéma plus élémentaire.

De Glenn Ficarra et John Requa. Avec Will Smith, Margot Robbie, Adrian Martinez. États-Unis. 1h44. Sortie le 25 mars

 

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