Cannes 2015 : BÉLIERS / Critique

15-05-2015 - 15:15 - Par

De Grímur Hákonarson. Sélection officielle, Un Certain Regard.


Pitch : Dans une vallée isolée d’Islande, deux frères qui ne se parlent plus depuis quarante ans vont devoir s’unir pour sauver ce qu’ils ont de plus précieux : leurs béliers.

A l’instar des grands espaces islandais qu’il met en scène, BÉLIERS est dépeuplé et silencieux. Une poignée de personnages pas bavards se partagent des pâtures et élèvent des bêtes. L’économie locale est en partie basée sur les béliers. Deux frères, qui ne s’adressent plus la parole depuis 40 ans mais vivent sur la même terre, prospèrent grâce à un cheptel récompensé par sa qualité. Quand l’un des béliers est toutefois touché par la tremblante, un mal qui n’avait pas sévi depuis des décennies, ils vont devoir tous les deux abattre leurs bêtes. Sur le thème « devant l’adversité, il serait peut-être temps de mettre nos vieilles querelles de côté », BÉLIERS fait planer le doute sur une potentielle réconciliation. Car il entend traiter jusqu’au bout et en profondeur la fragilité du lien humain en zone rurale (d’autant qu’il s’agit ici de l’Islande, pas le plus dense des pays) et la solitude qui toujours menace. Sans les bêtes, les éleveurs seront probablement isolés, sans ressource et forcés à l’exode, et les frères seraient respectivement seuls chacun de leur côté. Il faut donc sauver des béliers pour une raison paradoxale : ne pas avoir à se re-aimer d’une part, mais aussi perpétuer cette glorieuse lignée de béliers qui est une valeur familiale sûre contrairement à la fraternité. Le réalisateur Grimur Hakonarson raconte deux frères qui ne s’aiment plus comme il raconterait un couple qui s’est fâché : avec des disputes par chien voyageur interposé, des regards désolés, des moues en pétard et des coups de fusil sans rancune. Son HRUTAR est d’une grande douceur, car ses personnages sont des grands sentimentaux. Des gentils aussi sauvages que la nature qui les a vu naître et qui, à force de se battre contre la rudesse et la dureté, ont troqué le lien humain pour le lien bestial. Mais comme nous ne sommes que des bêtes, BÉLIERS finit par célébrer la beauté de la relation presque animale qui unit les deux frères. Comme ses deux sujets barbus, c’est un film qui sous ses airs mal dégrossis est terriblement attachant.

De Grímur Hákonarson. Avec Sigurður Sigurjónsson, Theodór Júlíusson, Charlotte Bøving. Islande. 1h30. Prochainement

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