Cannes 2015 : VERS L’AUTRE RIVE / Critique

18-05-2015 - 20:02 - Par

De Kiyoshi Kurosawa. Sélection officielle, Un Certain Regard.

Pitch : Au cœur du Japon, Yusuke convie sa compagne Mizuki à un périple à travers les villages et les rizières. A la rencontre de ceux qu’il a croisés sur sa route depuis ces trois dernières années, depuis ce moment où il s’est noyé en mer, depuis ce jour où il est mort. Pourquoi être revenu ?

De Kiyoshi Kurosawa, on admire le goût pour la diversité. Capable de se fondre dans à peu près tous les genres, il est parvenu à briller dans le thriller policier poisseux (CURE), la fable écolo mystérieuse (CHARISMA), l’horreur flippante (KAIRO, SÉANCE), le fantastique (REAL) ou le drame pur et dur (TOKYO SONATA) – entre autres. Un de ses travaux récents les plus marquants, la série télé SHOKUZAI (sortie au cinéma chez nous sous forme de diptyque), avait même servi de quasi œuvre-somme en piochant dans tous les styles que le cinéaste nippon avait pu aborder par le passé. Son nouveau long-métrage, VERS L’AUTRE RIVE, affiche le même attirail méta, le même type de commentaire sur son cinéma. En effet, à bien des égards, VERS L’AUTRE RIVE lorgne vers les histoires de fantômes comme KAIRO, SÉANCE ou LOFT à la différence qu’il les déroule dans un contexte non pas horrifique mais dramatique et contemplatif. Ici, tout est ainsi affaire de subtils décalages. On retrouve les célèbres ‘apparitions’ soudaines de fantômes ou des cadrages de films d’horreur méticuleusement composés – une courte séquence d’un fantôme marchant dans les couloirs de sa maison. On assiste à des situations profondément bizarres, on entend des répliques étranges. Mais tout ceci dans un contexte les ramenant à une certaine réalité : ici, interagir avec son mari mort fait sens, n’a rien de fantastique. Jamais le surgissement de l’extraordinaire ne bouscule l’ordinaire. En un sens, en appliquant une esthétique et un storytelling de drame classique à des thèmes fantastiques voire horrifiques, Kurosawa crée un décalage captivant. Il livre un exercice de style passionnant prouvant une fois de plus qu’au cinéma, tout est question de mise en scène et de traitement : de KAIRO à VERS L’AUTRE RIVE, il n’y a qu’un pas, en somme. Malheureusement, VERS L’AUTRE RIVE ne propose pas beaucoup plus que cet aspect théorique. Les trois premiers quarts d’heure s’avèrent pourtant riches en émotions. L’étrangeté poétique emballe – on pense à une superbe séquence où le domicile d’un fantôme récemment passé de l’autre côté apparaît subitement dévasté, rongé par le temps. L’étude du spectre comme allégorie du souvenir et des regrets qui rongent les vivants interpelle. La dynamique du couple formé par Eri Fukatsu et Asano Tadanobu, qui parcourt les routes pour mener les fantômes à la paix éternelle, fonctionne. Sauf qu’un certain systématisme s’installe et VERS L’AUTRE RIVE, dont la durée du récit est étirée artificiellement, devient trop mécanique, incapable de renouveler ses enjeux, qu’il répète inlassablement jusqu’à l’ennui épuisé du spectateur. Tout le charme des prémices s’effrite alors et l’on n’attend plus qu’une chose : que Kurosawa aille enfin droit au but et conclue sa fable.

De Kiyoshi Kurosawa. Avec Tadanobu Asano, Eri Fukatsu. Japon. 2h08. Prochainement

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