Cannes 2015 : AN / Critique

16-05-2015 - 12:21 - Par

De Naomi Kawase. Sélection officielle, Un Certain Regard.

Pitch : Sentaro est le patron d’une boulangerie qui vend des dorayakis (des pâtisseries faites d’une pâte de haricots rouges nommée « an »). Lorsqu’une vieille femme, Tokue, offre son aide à la cuisine, il accepte, à reculons. Mais Tokue prouve qu’elle a un don pour faire le « an ». Grâce à sa recette secrète, le petit magasin devient populaire. Et avec le temps, Sentaro et Tokue ouvriront leur cœur pour révéler de vieilles blessures.

L’année dernière, en compétition, on avait été totalement insensible au STILL THE WATER de Naomi Kawase. La réalisatrice japonaise, habituée du festival, s’y complaisait à enfoncer les portes ouvertes du film spirituel. C’est peu dire donc que l’on traînait les pieds à aller voir son nouveau film AN, présenté en ouverture du Certain Regard. Et ô ! surprise, on en ressort tout ragaillardi, ému même par ce film, pudique, simple mais diablement attachant. Présenté comme une comédie, AN est plutôt un « feel good movie », c’est-à-dire un film tendre, certes légèrement trop sucré mais qui n’en néglige pas pour autant une certaine forme de mélodrame et de cruauté. D’aucuns diront que c’est un Kawase mineur, une récréation sensible sans grands enjeux. Nous, on prend. Parce qu’avec cette adaptation d’un roman nippon, la réalisatrice est obligée de canaliser son style élégiaque et de se mettre au service non pas de ses obsessions mais bien d’un récit, de personnages, d’une émotion nettement plus directe. Pour autant, et c’est toute la grâce de AN, la réalisatrice réussit à instiller sa poésie visuelle, son animisme cinématographique qui peut transformer la recette de la pâte de haricots rouges en poème visuel et existentialiste. C’est ce mélange d’un style ambitieux et précis avec ce récit simplement populaire qui permet à AN d’être bien plus qu’une sucrerie qui colle aux dents. Car, si la rencontre de ces trois solitudes sonne au départ comme un mauvais Anna Gavalda, le film réussit petit à petit, par sa simplicité et sa bonhommie, à nous les rendre attachants en restant toujours sur la lisière du quotidien. On ne bascule jamais dans le drame. Il est là, bien sûr, autour d’eux. Mais le film crée une bulle qui pendant un temps les protège. Joliment, Kawase la fait éclater doucement et réussit une dernière partie très émouvante en raccordant ce récit simple à l’histoire de la société japonaise. On ne pensait pas, un jour, verser une larme sur un plan de beignet japonais en train de cuire. Il faut croire qu’à Cannes, tout est possible !

De Naomi Kawase. Avec Masatoshi Nagase, Kirin Kiki, Miki Mizuno. Japon. 1h53. Prochainement

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