D’Emmanuelle Bercot. Sélection officielle, hors compétition, film d’ouverture.
Pitch : Le parcours éducatif de Malony, de six à dix-huit ans, qu’une juge des enfants et un éducateur tentent inlassablement de sauver.
L’écueil majeur auquel un film se revendiquant du réalisme doit faire face, c’est la crédibilité de l’ensemble. Il devrait y avoir une intolérance épidermique au raccourci facile ou au cliché qui en est devenu un par paresse intellectuelle. Ainsi l’image d’Épinal du prolo qui a les dents dégueulasses et les cheveux gras n’est pas loin d’être insupportable dans une chronique de réalisme social comme LA TÊTE HAUTE. Or, notre premier contact avec la galerie de personnages popus du film, c’est justement la mère prolo de Dunkerque campée par une Sara Forestier affublée d’une prothèse dentaire digne de cette sacrée fripouille de Jacquouille et débitant de la grossièreté comme Zézette (épouse X). On en vient à se demander comment une réalisatrice peut préférer déguiser une comédienne connue en caricature de France d’en bas plutôt que de caster une gueule cassée (puisqu’apparemment c’était le brief) qui jouerait très probablement mieux que notre Sara Forestier en roue libre ou une actrice amatrice du nord de la France avec une trombine tout à fait normale. Si bien que la première demi heure de LA TÊTE HAUTE est minée par l’impression détestable qu’Emmanuelle Bercot se place légèrement au-dessus de son sujet et le toise, un peu de haut, paternaliste. Il faudra du temps pour se rendre compte que le personnage de la mère est davantage une faute de goût que le symptôme d’une quelconque fatuité (quoi que la fin est légèrement donneuse de leçon). Car doucement, on s’accroche à notre petit héros en colère, qu’elle regarde à hauteur d’enfant de 16 ans et qu’elle ne juge jamais – elle déplore simplement le manque d’amour parental. Là encore, vous allez penser qu’on s’acharne, on regrette franchement que le personnage de la mère ait une psychologie à géométrie variable, tantôt démissionnaire et immature, tantôt concernée et idiote, selon ce qui arrange le scénario. C’est l’écriture qui pèche souvent dans LA TÊTE HAUTE, car à force de vouloir rendre compte du parcours salutaire de Malony, symptôme d’une justice qui marche mal et preuve que c’est du manque d’amour que naît la violence, Emmanuelle Bercot multiplie les obstacles au bonheur jusqu’à ce que l’écriture paraisse forcée et artificielle. Comme quoi la France a encore à apprendre de ses voisins anglais en matière de chronique sociale. Mais si l’on se pâme très souvent devant ce jeu britannique qui garantit une vérité bouleversante, on se délecte des performances de Rod Paradot, jeune révélation du film, de Catherine Deneuve, à la classe dévastatrice, et surtout de Benoît Magimel que l’on n’avait pas vu aussi fragile et à cran depuis bien longtemps. C’est lui qui nous a donné notre plus belle claque en ce début de festival.
D’Emmanuelle Bercot. Avec Catherine Deneuve, Rod Paradot, Benoît Magimel. France. 2h. Sortie le 13 mai 2015
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