Cannes 2015 : MON ROI / Critique

18-05-2015 - 12:15 - Par

De Maïwenn. Sélection officielle, en compétition.


Pitch : Tony est admise dans un centre de rééducation après une grave chute de ski. Dépendante du personnel médical et des antidouleurs, elle prend le temps de se remémorer l’histoire tumultueuse qu’elle a vécue avec Georgio. Pourquoi se sont-ils aimés ? Qui est réellement l’homme qu’elle a adoré? Comment a-t-elle pu se soumettre à cette passion étouffante et destructrice ? Pour Tony c’est une difficile reconstruction qui commence désormais, un travail corporel qui lui permettra peut-être de définitivement se libérer…

La passion destructrice au pied de la lettre : voilà ce que nous offre à voir Maiwenn, réalisatrice portée sur le réel qui tache (voir PARDONNEZ-MOI et POLISSE). Tout démarre par un genou en vrac qui conduit Tony (Emmanuelle Bercot) en rééducation pendant de longues semaines. Le genou, lui dit un médecin, c’est un symbole, à la frontière de la somatisation. Il y a quelque chose qui cloche chez Tony. « De la psychologie de comptoir » peut-être… Mais MON ROI n’a jamais peur de ça. Au contraire, Maiwenn ne ment jamais : son film, c’est effectivement de la psychologie élémentaire, des banalités humaines… que Tony ne veut pas voir. L’homme ténébreux et séducteur dont elle est tombée raide dingue, Georgio (Vincent Cassel), est toxique, c’est un menteur, un manipulateur, un « pervers narcissique » – sacrosaint symptôme de la souffrance amoureuse chez les mensuels féminins de tout bord. La vie à deux que raconte MON ROI est tantôt enflammée tantôt tragique. Témoin impuissant de l’implosion programmée du couple, le spectateur rira beaucoup face aux mensonges, aux alibis, aux justifications absurdes de Georgio, charmeur en diable – Cassel a troqué ici sa violence naturelle pour un jeu toujours aussi concret et puissant mais beaucoup plus subtil. Mais souvent, la détresse de Tony bouleverse, surtout lorsque son interprète reste dans la sobriété, le naturel. Dès qu’elle déborde de colère, qu’elle frise l’hystérie, MON ROI peut sonner faux. La force du film ne repose en effet que sur le ton juste et quotidien de ses formidables comédiens (mention à la partition blasée de Louis Garrel) – c’est aussi toute sa fragilité. Mais la liberté a ses limites chez Maiwenn : accompagnant le récit de feue la vie amoureuse de Tony, se déroule le deuxième récit de sa rémission, où elle revit en centre, au contact de jeunes issus d’une certaine classe populaire (qui n’est clairement pas la sienne). La verve haute et fleurie, le film devient pourtant d’une grande vacuité, il se met à résonner ringard, artificiellement cool et moderne, trop bourgeois pour être honnête Un arc narratif dont l’incongruité nous rappelle la faiblesse de la part romantique de POLISSE. De MON ROI, il ne faut pas retenir les tics mais plutôt la valse des émotions, parfois trop enivrante, le désespoir de ceux qui ont été trahis par l’amour et le risque que prend Maiwenn à réaliser une tragédie circonscrite à l’intime, peut-être même un peu vaine, comme on lancerait un cri qui n’aurait strictement aucun écho.

De Maïwenn. Avec Vincent Cassel, Emmanuelle Bercot, Louis Garrel. France. 2h10. Sortie 21 octobre 2015

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