Cannes 2015 : NOTRE PETITE SŒUR / Critique

13-05-2015 - 23:42 - Par

De Hirokazu Kore-Eda. Sélection officielle, En Compétition.

Pitch : Trois sœurs, Sachi, Yoshino et Chika, vivent ensemble à Kamakura.  Par devoir, elles se rendent à l’enterrement de leur père, qui les avait abandonnées une quinzaine d’années auparavant. Elles font alors la connaissance de leur demi-sœur, Suzu, âgée de 14 ans. D’un commun accord, les jeunes femmes décident d’accueillir l’orpheline dans la grande maison familiale…

Deux ans après TEL PÈRE TEL FILS (déjà présenté en compétition à Cannes), dont le récit reposait sur un nœud dramatique extrêmement fort et original – des enfants échangés à la naissance – Hirokazu Kore-eda propose un contrepied presque parfait avec NOTRE PETITE SŒUR. À bien des égards, son nouveau film, adapté du manga « Kamakura Diary » de Yoshida Akimi, refuse les effusions dramaturgiques et affiche un récit presque sans « drame ». Il place ainsi l’élément tragique déclencheur – la mort d’un père absent – hors champ, avant même le début du film, et préfère se concentrer sur l’après, sur la vie qui reprend ses droits, sur ce qui pourrait presque passer pour de l’anodin : un repas, une discussion agitée autour d’un bain, un match de foot lycéen, le partage d’une liqueur de prunes… C’est justement de cette quotidienneté que surgit l’intense beauté de NOTRE PETITE SŒUR. Kore-eda construit lentement, fibre par fibre, un cocon de soie dans lequel le spectateur va se lover pour mieux se laisser cueillir ensuite par les intentions du cinéaste et par ses quatre héroïnes, superbement croquées et interprétées. Si elles s’avèrent toutes formidablement touchantes, on retiendra surtout la fine caractérisation de Sachi (Haruka Ayase, vue dans REAL), la sœur aînée et Mme Abnégation, bouleversante dans sa tristesse digne et mutique, dans son rôle difficile « d’intendante du dortoir ». Le quotidien d’une année de ces sœurs se déroule via une narration épisodique à saynètes particulièrement maîtrisée par le réalisateur : les séquences s’imbriquent, apportent leur pierre à l’édifice narratif et offrent au film un charme évanescent indéniable. D’autant que Kore-eda prouve encore sa capacité à filmer la sensation, même la plus sommaire. Capable en un plan simple de faire passer à l’écran le bien-être engendré par une légère brise dans les cheveux, par un rayon de soleil sur la peau ou par un bon repas, le Japonais s’affirme en grand cinéaste sensoriel. Particulièrement doux et lumineux, parcouru d’un humour tendre et quotidien, NOTRE PETITE SŒUR est davantage un film de réconciliation que de dispute, de résilience que de souffrance, de souvenirs que de regrets. On y célèbre ce qui nous lie, et notamment notre passé commun, aussi sombre et semé d’erreurs soit-il. Autant de grâce et de délicatesse dans la sophistication tient du miracle.

De Hirokazu Kore-Eda. Avec Ayase Haruka, Hirose Suzu, Nagasawa Masami, Kaho. Japon. 2h03. Sortie le 28 octobre

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