Cannes 2015 : THE SEA OF TREES / Critique

15-05-2015 - 23:01 - Par

De Gus Van Sant. Sélection officielle, en compétition.


Pitch : Dans la forêt d’Aokigahara, au pied du Mont Fuji, Arthur Brennan est venu mettre fin à ses jours, comme beaucoup avant lui en ces lieux. Alors qu’il a trouvé l’endroit qui lui semble idéal, il aperçoit soudain un homme blessé et perdu. Assailli par un sentiment d’humanité irrépressible, Arthur se porte à son secours. Alors qu’il s’était décidé à mourir, il va devoir aider un homme à survivre.

Parfois, on aime et respecte tant un cinéaste qu’il est presque impossible d’accepter qu’il puisse fauter. Dans le cas de Gus Van Sant, on savait qu’il était capable de gros coups de fatigue – RESTLESS en est l’exemple le plus évident – mais il affichait tout de même une filmo régulière dans sa qualité, jusque dans ses films de commande qui vont du très honorable (À LA RENCONTRE DE FORRESTER, PROMISED LAND) à l’exceptionnel (WILL HUNTING). Autant dire que l’on n’était pas préparé à assister à une déconfiture telle que celle de THE SEA OF TREES. Après un générique un poil évident et lourdement illustratif – des nuages, une canopée, le vent dans les cimes et un son rappelant le ressac d’un océan –, THE SEA OF TREES débute même plutôt bien, avec cet Américain se payant un billet d’avion sans retour vers le Japon et entrant dans la fameuse forêt d’Aokigahara surnommée « la forêt des suicides ». Ses intentions sont connues mais les raisons, elles, restent (pour le moment) mystérieuses. Sur son chemin, il croise quelques panneaux positivistes exhortant le passant à ne pas ôter sa vie. Une prévention qui semble bien inutile alors que son regard se pose sur des cadavres en putréfaction et autres squelettes solitaires. Cette découverte des lieux s’avère très belle, aérienne et simple, parfois dérangeante et étrangement poétique. Sans démonstration ni lourdeur. Puis survient le premier flashback. Tout à coup, THE SEA OF TREES bascule. Le film aligne des dialogues croquignolets de simplisme (-« Vous êtes Américain, vous croyez en Dieu », – « Dieu est plus notre création que nous, la sienne. ») et des retours dans le passé écrits comme des mélodrames télévisuels lambda, mais on continue de lui accorder le bénéfice du doute. Gus Van Sant ne peut flancher à ce point. Et pourtant, si. À mesure que le récit avance, les péripéties rencontrées par l’Américain et le Japonais dans la forêt des suicides apparaissent forcées au point d’en devenir gaguesques, l’interprétation de McConaughey passe du transcendé mystique au possédé ostentatoire et l’exécution demeure inexorablement impersonnelle. S’appuyant sur aucune réelle mise en scène – en tout cas, rien qui ne soit digne de Gus Van Sant –, THE SEA OF TREES se révèle particulièrement paresseux et facile dans sa volonté d’être mainstream – mention spéciale au score, particulièrement inapproprié, dû à Mason Bates en mode copycat de Thomas Newman. Las, baissons les bras : THE SEA OF TREES n’est pas et ne sera pas un néo-GERRY. Dans son dernier acte, il dépasse même toutes les bornes possibles en plongeant tête baissée dans un ésotérisme bas de gamme – que l’on voyait venir de très loin –, totalement échevelé mais paradoxalement dénué de tout mystère, où chaque détail du récit est expliqué par le menu. D’un sujet passionnant a priori, Gus Van Sant ne signe donc qu’une œuvre sans âme ni relief que certains pourront même trouver risible.

De Gus Van Sant. Avec Matthew McConaughey, Ken Watanabe, Naomi Watts. États-Unis. 1h50. Sortie le 9 septembre 2015

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