Cannes 2015 : PLUS FORT QUE LES BOMBES / Critique

17-05-2015 - 23:57 - Par

De Joachim Trier. Sélection officielle, En Compétition.

Pitch : La préparation d’une exposition consacrée à la célèbre photographe Isabelle Reed, trois ans après sa mort inattendue, amène son mari et ses deux fils à se réunir dans la maison familiale. Refait alors surface un secret qui plonge leurs vies apparemment calmes dans le chaos.

En deux films (NOUVELLE DONNE et OSLO, 31 AOÛT), Joachim Trier s’est construit une solide réputation de jeune pousse prometteuse du cinéma mondial. Auteur d’un cinéma énergique, lié à l’effervescence de la jeunesse et ses dérapages, il diffuse dans le mélodrame d’auteur une sensibilité résolument pop. Quand il s’embarque aux États-Unis avec un casting de luxe pour son nouveau long, on est forcément conquis sur le papier. Hélas ! PLUS FORT QUE LES BOMBES n’est pas un mauvais film, ni même un film passable. C’est juste une belle copie, propre, carrée de tout ce que le drama auteur de luxe américain peut être. Rien de déshonorant donc, juste un étrange sentiment d’inabouti qui guette à la sortie. Le Trier américanisé s’est comme aseptisé. Pourtant, la première demi-heure augure un film éclaté, éclatant, à l’image de son titre superbe. Trier organise les fragments pour raconter l’incomplétude d’une famille touchée par le deuil. C’est sensible, mystérieux et surtout très bien joué. On s’installe et on frétille d’avance que l’orage gronde quand le puzzle sera enfin complet. Malheureusement, rien ne survient. PLUS FORT QUE LES BOMBES est un film doux sur le deuil dont la douceur vire petit à petit à la mollesse. Si par instants, dans les meilleurs moments du film, Trier retrouve sa mélancolie pop, notamment dans les échanges fraternels entre Jesse Eisenberg et le jeune Devin Druid (excellent en sosie de Miles Teller apathique), le film semble comme phagocyté par la présence fantomatique et bien trop envahissante d’Isabelle Huppert. Si les personnages du film ne savent pas quoi faire de cette mère décédée encombrante, on finit par comprendre que Trier non plus. Petit à petit, le récit tergiverse, tourne en rond, se tâte mais finit hélas par brader son mystère pour retourner dans les rails d’un simili-AMERICAN BEAUTY avec crise existentielle et psychodrames en milieu urbain. La déflagration attendue est devenue un petit soupir. Ça s’épanche, ça s’émeut et on regarde ça, un peu comme derrière une vitre. Adultère, crise d’adolescence, paternité compliquée, la panoplie complète est là, élégamment mise en scène, certes, mais de manière peu étonnante. Rien ne vient bousculer le confort bourgeois du film. Ce que l’on croyait mystérieux s’avère juste étouffé et les fragments du début simplement un manque de liant. Tout est recollé in fine.

De Joachim Trier. Avec Jesse Eisenberg, Gabriel Byrne, Isabelle Huppert. Norvège / France. 1h45. Prochainement

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