Cannes 2015 : SICARIO / Critique

19-05-2015 - 16:22 - Par


De Denis Villeneuve. Sélection officielle, en compétition.

Pitch : La zone frontalière entre les Etats-Unis et le Mexique est devenue un territoire de non-droit. 

Kate (Emily Blunt), une jeune recrue idéaliste du FBI, y est enrôlée pour aider un groupe d’intervention d’élite dirigé par un agent du gouvernement (Josh Brolin) dans la lutte contre le trafic de drogues.

Menée par un consultant énigmatique (Benicio Del Toro) l’équipe se lance dans un périple clandestin, obligeant Kate à remettre en question ses convictions pour pouvoir survivre.



Metropolitan filmexport, Lionsgate et Black Label Media présentent une production Thunder Road. 

Un film de Denis Villeneuve (INCENDIES ; PRISONERS) avec Emily Blunt ( LOOPER ; LE DIABLE S’HABILLE EN PRADA), Benicio Del Toro (CHE ; TRAFFIC), Josh Brolin (NO COUNTRY FOR OLD MEN ; INHERENT VICE) et Jon Bernthal (LE LOUP DE WALL STREET ; FURY).

Après le passionnant, troublant et alambiqué ENEMY, le Québécois Denis Villeneuve prend le contrepied et livre avec SICARIO son long-métrage le plus mainstream et le plus linéaire. Une velléité populaire qui ne l’empêche pas le moins du monde de se pencher avec un brio certain sur son sujet – les cartels mexicains et la guerre menée par les États-Unis contre le trafic de drogue. Tout d’abord parce que Villeneuve dirige ici une femme agent du FBI – merveilleusement campée par Emily Blunt – et revient ainsi aux figures féminines qui faisaient sa filmographie d’avant PRISONERS. Une femme qui subit le sexisme, les questions déplacées qu’on ne poserait pas aux hommes (« Vous êtes mariée ? Des enfants ? ») et la pression de diriger (ou de collaborer avec) des hommes qui remarquent son physique avantageux. Villeneuve ne la transforme pourtant pas en néo-Rambo et ne nie pas sa féminité. Kate n’est ainsi pas un ersatz de Ripley ou de Sarah Connor. Agent du FBI spécialisé dans les enlèvements désormais associée à une mission visant à faire tomber un baron mexicain de la drogue, elle affiche autant sa vulnérabilité que sa force, brandit son idéalisme et son professionnalisme, reçoit des coups et sait en donner. La Kate d’Emily Blunt est, à bien des égards, une héroïne moderne et protéiforme, dans un thriller hollywoodien critiquant davantage le machisme qu’il ne se prétend féministe. Au-delà de cette dimension passionnante – et profondément liée au cœur de la filmo de Denis Villeneuve –, SICARIO se révèle une peinture vivace de la guerre contre la drogue. Remarquablement servi par la photo de Roger Deakins – déjà chef op’ de PRISONERS –, Villeneuve construit une mise en scène minutieuse, pour une tension de tous les instants. Il étire ses séquences à l’extrême, use d’un sound design et d’un score redoutables (de sourdes nappes de sons où se côtoient hurlements d’une foule indéterminée et pistons mécaniques destructeurs), sur-dramatise le danger (de longs plans en hélico) et mène le spectateur au cœur de l’action. En prenant son temps, Villeneuve bâtit une atmosphère si pesante qu’elle finit par créer du spectaculaire (ou une attente de spectaculaire) là où il n’y en a pas. Tout ça pour cacher habilement, puis dévoiler de manière retentissante le pot aux roses : derrière le thriller policier réside une charge politique et sociale. Les cartels et les autorités sont renvoyés dos à dos, lors d’un dernier acte d’un nihilisme patenté dont le propos intrinsèque n’est pas sans rappeler celui de NO COUNTRY FOR OLD MEN. En signant son premier « spectacle de masse » Villeneuve a certes perdu en étrangeté, mais sa capacité à conter des histoires opératiques avec une extrême précision n’a encore fait que s’affûter.

De Denis Villeneuve. Avec Emily Blunt, Benicio Del Toro, Josh Brolin. États-Unis. 2h01. Prochainement

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