Cannes 2015 : VALLEY OF LOVE / Critique

22-05-2015 - 10:29 - Par

De Guillaume Nicloux. Sélection officielle, En Compétition.

Pitch : Isabelle et Gérard se rendent à un étrange rendez-vous dans la Vallée de la mort, en Californie. Ils ne se sont pas revus depuis des années et répondent à une invitation de leur fils Michael, photographe, qu’ils ont reçue après son suicide, 6 mois auparavant. Malgré l’absurdité de la situation, ils décident de suivre le programme initiatique imaginé par Michael…

La 68e édition du Festival de Cannes touche presque à sa fin et si l’on devait avancer les grandes thématiques récurrentes des films présentés cette année, l’imbrication de l’amour et de la mort, la difficile épreuve du deuil ainsi que l’illusion d’une vie que l’on se crée pour survivre, seraient en tête de liste. Il n’est donc finalement pas étonnant que l’un des trois derniers films à être projeté en compétition soit le VALLEY OF LOVE de Guillaume Nicloux. L’amour, la mort, le deuil et l’illusion sont en effet au centre du nouveau film du réalisateur français. Il suit Gérard et Isabelle, père et mère d’un trentenaire mort par suicide quelques mois auparavant et qui leur a donné rendez-vous dans le désert américain, dans la Vallée de la Mort, où il doit leur « revenir ». Étrange, VALLEY OF LOVE l’est pour le moins. Plus porté par un visible désir cathartique du cinéaste – il dédie le film à son père – que par un véritable élan narratif, VALLEY OF LOVE repose sur un mystère dont on sait – du moins, dont on pressent – qu’il ne sera jamais résolu. Gérard et Isabelle sont-ils fous ? Pensent-ils vraiment que leur fils va reparaître d’entre les morts ? Et pourquoi pas, après tout ? Dans cette mécanique, VALLEY OF LOVE apparaît comme une sorte d’esquisse brouillonne de la série THE LEFTOVERS, dont il partage nombre de thèmes, mais aussi une ambiance pesante bien que cotonneuse, fondée en partie sur une musique lyrico-mélancolico-inquiétante. Sauf qu’à la différence de la série de Damon Lindelof, le film de Guillaume Nicloux peine à émouvoir. Pourtant, les efforts pour y parvenir sont nombreux. Grâce à un scénario redoutablement construit et à de formidables dialogues allant du naturel confondant au joliment sur-écrit, Gérard Depardieu et Isabelle Huppert livrent des prestations impressionnantes de maîtrise et de lâcher prise. Huppert, forcément impériale dans un rôle de femme dont la force s’efface devant la tristesse hystérique, s’avère pourtant moins touchante que Depardieu, dont les airs d’enfant perdu se révèlent insidieusement bouleversants. Jouant avec malice de l’aspect faussement méta du film – Depardieu et Huppert jouent leur propre rôle en forme de doubles fictionnels –, le couple y insuffle même une grande drôlerie. Filmés avec l’amour d’un cinéaste sachant qu’il a devant lui des acteurs en pleine possession de leur moyen, Isabelle Huppert et Gérard Depardieu portent littéralement VALLEY OF LOVE à bras le corps. Sans eux, ce bilan de vie aurait sans aucun doute été bien plus anodin, moins fascinant à regarder. Toutefois, en dépit de la tendresse qu’ils suscitent et de quelques moments de grâce où leur appel désespéré à la sérénité trouve écho en nous, ils ne sauvent pas VALLEY OF LOVE de son manque de réelle consistance à l’écran et de son aridité émotionnelle. Car jamais l’on ne ressent la mue de la Vallée de la Mort en Vallée de l’Amour.

De Guillaume Nicloux. Avec Isabelle Huppert, Gérard Depardieu. France. 1h31. Sortie le 17 juin

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