Cannes 2015 : MACBETH / Critique

24-05-2015 - 08:00 - Par

De Justin Kurzel. Sélection officielle, en compétition.


Pitch : Lecture viscérale de la tragédie la plus célèbre et captivante de William Shakespeare, celle d’un vaillant guerrier autant que chef charismatique, plantée sur les champs de bataille au milieu des paysages de l’Ecosse médiévale, Macbeth est fondamentalement l’histoire d’un homme abîmé par la guerre qui tente de reconstruire sa relation avec son épouse bien-aimée, tous deux aux prises avec les forces de l’ambition et du désir.

Familier de Cannes pour avoir présenté à La Semaine de la Critique LES CRIMES DE SNOWTOWN, histoire d’un célèbre serial killer d’Australie, Justin Kurzel vient présenter MACBETH en compétition. Soit une autre histoire de figure sanguinaire et délirante, mais sans l’accent du bush. Dans les hautes terres d’Écosse, sous un ciel de plomb, la boue, le sang et les larmes vont se mêler dans une adaptation aussi noire que stylisée de l’une des pièces les plus sombres du dramaturge anglais. Le MACBETH version Kurzel est solennel, le travail des couleurs et du son est impressionnant – c’est un « film de postproduction » ; les décors, les costumes, le maquillage : rien ne prend Shakespeare à la légère. Il est déjà si dense que parfois la musique – composée par le frère de Justin, Jed – donne littéralement le vertige. Sous la menace irritante d’un crincrin rouillé ou sous le vrombissement d’une nappe de vielles, de cornemuses et de violons, MACBETH est un tourment tapageur de fureur et de chaos. Même le silence, régnant aux confins du royaume de pierres ancestrales, est assourdissant. Kurzel bâtit un monde de désolation qui n’aurait pas juré dans le VALHALLA RISING de Nicolas Winding Refn. Mais l’Australien n’est pas dans la même morbidité que le Danois. Il met en œuvre quelque chose de grandiloquent et de sophistiqué dans son cauchemar filmé ; sa quête de beauté est différente de celle de Refn, cinéaste plus introverti mais plus romantique. Chez Kurzel, il y a une envie de démonstration picturale (les ralentis des batailles inaugurales font du film une série de tableaux plus qu’une image en mouvement). Chez les deux comédiens principaux, on trouve aussi cette idée de sur-performance, d’intensité débordante qui prive le film de sobriété. D’ailleurs, Paddy Considine, Sean Harris et Jack Raynor, dans des rôles secondaires, sont à ce titre peut-être plus convaincants que Michael Fassbender. Eux sont dans un jeu plus physique et plus terrien quand Fassbender joue à fond la carte de l’excès et de l’émotivité. MACBETH est dans une quête permanente, visuelle et sonore, de puissance. Parfois, il atteint une transe cinématographique (quand toutes les forces convergent vers une sorte de climax sensoriel), d’autres fois, il se fourvoie dans la complaisance de l’image pour l’image. Mais par la radicalité des choix qui le sous-tendent, par ce jusqu’au-boutisme macabre comme une fièvre délirante, il est splendide et solide. Et son imagerie est inoubliable.

De Justin Kurzel. Avec Marion Cotillard, Michael Fassbender, Jack Reynor. Grande-Bretagne. 1h53. Sortie le 11 novembre 2015

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