Cannes 2015 : COIN LOCKER GIRL / Critique

16-05-2015 - 16:46 - Par

De Han Jun-hee. Semaine de la Critique, séances spéciales.

Pitch : Alors qu’elle vient de naître, Il-young est abandonnée dans la consigne n°10 d’une station de métro. Huit ans plus tard, elle est vendue à la marraine d’un gang de Chinatown, connue sous le nom de Mom. Elle devient ainsi un membre de sa famille. Seuls les personnes « utiles » peuvent tenir dans cette famille de Chinatown. Coin Locker Girl raconte l’histoire de deux femmes qui ont trouvé chacune leur façon de survivre dans un monde cruel.

COIN LOCKER GIRL ne réinvente pas le thriller sud-coréen, loin de là ; un grand nombre de ses codes (narratifs, esthétiques) sont respectés avec déférence, à la lettre, bon élève qu’il est. Le réalisateur novice Han Jun-hee a fait simplement preuve d’assez d’imagination pour remplacer ces fameuses distributions 100% masculines (le cinéma d’action sud-coréen a beau être délicat, il est méchamment viril) par un duo d’actrices. Et pas n’importe lesquelles : Kim Ko-eun (MONSTER), dans la peau d’une enfant abandonnée dans une consigne de gare et récupérée par une baronne du crime organisé, Maman, incarnée elle par Kim Hye-soo (TAZZA, THE THIEVES). Elles ont juste la féminité en berne. Maman déambule les mains dans les poches, la bedaine fièrement saillante, toujours prête à exécuter ses rejetons. Il-young, elle, n’a jamais appris à être une fille, mais plutôt un homme de main. Alors qu’elle va recouvrer une dette, elle tombe nez à nez avec l’idée de l’amitié, peut-être même de l’amour, concept qui lui est étranger. Un jeune homme, riant, bon vivant, la prend par les sentiments. S’ouvrant à la féminité, aux émotions de son âge, Il-young perd tout intérêt aux yeux de Maman, obsédée par le pouvoir et aveuglée par la productivité. Sur les traces de MONSTER BOY : HWAYI de Jang Joon-Hwan, COIN LOCKER GIRL se cache sous les oripeaux sanguinolents du thriller coréen, multipliant les morts « hémoglobidineuses » (la sobriété n’est pas franchement l’apanage du cinéma sud-coréen) mais est, en fait, un récit d’apprentissage triste et amer. Après une première heure brillante, reposant autant sur une énergie visuelle puissante qu’une fragilité émotionnelle dévastatrice, COIN LOCKER GIRL refuse toutefois d’être le revenge movie dont il prenait la voie et se fait plus dramatique. On fantasmait une justice lapidaire, on est davantage dans la tragédie, au risque de perdre en force. Reste gravé longtemps toutefois, le visage tragique et sublime de Kim Ko-eun, véritable révélation du film.

De Han Jun-hee. Avec Kim Hye-soo, Kim Ko-eun. Corée du Sud. 1h50. Prochainement

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