Cannes 2015 : GREEN ROOM / Critique

17-05-2015 - 23:05 - Par

De Jeremy Saulnier. Quinzaine des Réalisateurs.

Pitch : Après avoir assisté à un acte de violence horrible, un jeune groupe de punk rock se retrouve piégé dans un lieu isolé. Pour survivre, ils vont devoir lutter contre une bande de skinheads bien décidés à éliminer tous les témoins.

Faut-il être un super-héros pour combattre des super-vilains ? Avoir la fibre belliciste pour partir à la guerre ? Pas le moins du monde ! C’est ce que démontre par l’absurde, et avec l’aide de quelques litres bien visqueux d’hémoglobine, le très inspiré Jérémie Saulnier dans GREEN ROOM. Ici, un groupe de punk rock vivotant de concerts merdiques dans des régions pourries tombe sur un public retors : des skins. Les rockers rebelles vont regretter de les avoir invectivés (« Nazi punks, Fuck off ! ») : témoins de ce qu’ils n’auraient pas dû voir, ils se retrouvent en danger de mort… Durant le premier quart d’heure de GREEN ROOM, Saulnier s’amuse. Il échafaude une introduction assez brillante, fondée autant sur un humour sarcastique savoureux (on dit des skinheads qu’ils sont « De droite. Enfin, d’ultra gauche, techniquement ») que sur une caractérisation des personnages assez fine – Saulnier les esquisse en accumulant rapidement quelques subtils détails allant de leur comportement sur scène ou en interview à leur goûts musicaux. Puis, le cinéaste joue à construire une tension étouffante entre punks et néo nazis, dansant sur une frontière très fine entre le redneck thriller et sa parodie. C’est là que GREEN ROOM bute sur un début de huis clos manquant singulièrement de mordant. Déjà vu, lambinant sur des répliques plates, ces quelques minutes font retomber le soufflé plus vite qu’on l’aurait cru. « L’énergie, ça ne dure pas », comme le clame le personnage d’Anton Yelchin au début du film ? En fait, si : cette chute de tension est le moyen pour Saulnier de prendre sournoisement son public à revers et de le re-saisir à froid. Endormi quelques instants, le spectateur se réveille subitement, secoué par le col et frappé lourdement dans les côtes, lors d’un surgissement de violence inattendu et particulièrement brutal, tendance cradingue – les vieilles dame assises derrière nous s’en souviennent encore. Dès lors, GREEN ROOM ne décroche plus et fonce tête baissée dans le lard. Pitbulls tueurs, néo nazis shootés à l’adrénaline, jeu de l’oie baisé allant perpétuellement d’une panic room de fortune à la salle d’une grange-bistrot dégueu, grosse parodie des recettes du slasher US : Saulnier se lâche sans s’excuser et offre à son formidable casting l’occasion de briller tant dans la partie physique que rigolarde. Composé et monté à la rentre-dedans, GREEN ROOM multiplie les scènes d’ultra violence et ne fait surtout jamais de quartier – globalement, personne n’est à l’abri de mourir en une seconde au détour d’un plan furtif. Totalement récréatif, avec pour but l’amusement complice et exalté du public, GREEN ROOM se révèle donc à mille lieues de BLUE RUIN, le précédent opus de Saulnier – qui, bien que lui aussi violent et situé chez les rednecks, demeurait plus auteurisant, plus réflexif et contemplatif. Reste que le cinéaste confirme un talent évident pour l’écriture de personnages mémorables. Ceux de GREEN ROOM, totalement inaptes à toute survie en milieu hostile, n’ont rien de héros. Même leur punchline sont rances. Pire : ces punks-là passent l’aspi et aiment Prince. Comment ne pas aimer de tels losers magnifiques ?

De Jeremy Saulnier. Avec Anton Yelchin, Imogen Poots, Patrick Stewart, Alia Shawkat, Joe Cole, Callum Turner. États-Unis. 1h34. Prochainement

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