Cannes 2015 : TROIS SOUVENIRS DE MA JEUNESSE / Critique

15-05-2015 - 14:42 - Par

D’Arnaud Desplechin. Quinzaine des Réalisateurs.

Pitch : Paul Dédalus va quitter le Tadjikistan. Il se souvient… De son enfance à Roubaix… Des crises de folie de sa mère… Du lien qui l’unissait à son frère Ivan, enfant pieux et violent… Il se souvient… De ses seize ans… De son père, veuf inconsolable… De ce voyage en URSS où une mission clandestine l’avait conduit à offrir sa propre identité à un jeune homme russe… Il se souvient de ses dix-neuf ans, de sa sœur Delphine, de son cousin Bob, des soirées d’alors avec Pénélope, Mehdi et Kovalki, l’ami qui devait le trahir… De ses études à Paris, de sa rencontre avec le docteur Béhanzin, de sa vocation naissante pour l’anthropologie… Et surtout, Paul se souvient d’Esther. Elle fut le cœur de sa vie. Doucement, « un cœur fanatique ».

On entre dans un film d’Arnaud Desplechin comme on ouvre un livre de contes, avec l’espoir inquiet de savoir si ça marchera encore. Le cinéaste français, devenu culte avec sa chronique germanopratine COMMENT JE ME SUIS DISPUTÉ (MA VIE SEXUELLE), a été longtemps caricaturé en « auteur snob » filmant les turpitudes sentimentalo-névrotiques d’intellos parisiens. C’est n’avoir sur son cinéma qu’un regard hautain et superficiel. Après UN CONTE DE NOËL et JIMMY P., déjà empreint de ce sens de l’excès, TROIS SOUVENIRS DE MA JEUNESSE apparaît comme une œuvre-somme. Desplechin y est avide de cinéma, d’histoires, de personnages, de sentiments, bien plus forts que la réalité. Morcelé, le film s’interroge sur l’identité d’un homme, Paul Dédalus, double familier et attachant de l’auteur. Que ce soit son enfance malmenée comme un conte de fées sordide, sa quête de courage dans un train vers la Russie ou son premier cœur brisé par une femme fatale, les fragments de la vie de Paul sont un condensé de cinéma. Mutant selon les genres, du teen movie au mélodrame, le récit serpente et chaloupe entre les formes et les fantômes, emportant tout sur son passage. Habitée par une jeune génération d’acteurs tous absolument parfaits et bluffants, cette « Recherche du temps perdu » par Desplechin a l’élégance de n’être jamais passéiste. Juste fascinée, entre fièvre, naïveté et grandiloquence, par les histoires qui font de nous ce que nous sommes.

D’Arnaud Desplechin. Avec Quentin Dolmaire, Lou Roy-Lecollinet, Mathieu Amalric. France. 2h03. Sortie le 20 mai

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