SPY : chronique

17-06-2015 - 15:39 - Par

Après KINGSMAN, c’est SPY qui veut remuer le cinéma d’espionnage. Une mission totalement réussie pour le duo Paul Feig / Melissa McCarthy.

L’univers de SPY, c’est celui des agents doubles, des ogives nucléaires vendues au marché noir, des méchants venus de l’Est, des femmes vénales. Tout le décorum d’un JAMES BOND au carré… Et au milieu, Susanne Cooper (Melissa McCarthy), secrétaire replète de la CIA au service de sa majesté Bradley (Jude Law), super espion. Elle est ses yeux, ses oreilles, l’ombre de son chien, mais l’infatué va mourir en mission. Susanne s’en veut. Elle veut finir le travail que Bradley avait commencé. Sa hiérarchie lui confie une nouvelle identité, des gadgets et vogue la galère. C’est la revanche : une mère médiocre et une société patriarcale ont eu raison des ambitions et de la confiance de Susanne qui rêvait de terrain et qui s’est retrouvée, malgré une compétence hors norme, à gratter du papier chez les bureaucrates. Il est temps de botter des culs et de montrer à ces messieurs de quel bois les filles se chauffent. Susanne manque d’abord de confiance mais c’est son arme la plus fatale: avec son air inoffensif et sa trombine sympatoche, personne ne se méfie d’elle. La CIA la déguise en mémère du Kentucky, en miss bigoudi, on la prive du glamour. Susanne exclue du rêve américain ? C’est allégoriquement ce qu’argue SPY en montrant à quel point Melissa McCarthy est la normalité dans une faune démente et grimaçante, la réalité dans le monde surréaliste qu’est Hollywood, la carte maîtresse d’une industrie macho. Contrairement à MES MEILLEURES AMIES et aux FLINGUEUSES où son premier degré faisait rigoler, ici elle est légèrement à distance, presque réflexive. SPY revendique un discours féministe intelligent (il y a bien souvent plus de femmes impliquées dans l’action que d’hommes). Tant mieux si McCarthy ne devient pas l’une de ces créatures performantes de sur-films d’action : on l’aime riante, slapstick et brillante. Paul Feig lui a collé un partenaire de choc, un autre exclu du bon goût américain : Jason Statham, trivialisé en avatar exagéré de lui- même, ramené à son image de Briton bagarreur. Le contrepoint à l’Anglais goujat qu’incarne Jude Law. Même si a priori, Paul Feig livre une comédie potache, il refuse toujours la facilité. Il aime trop ses acteurs et ses personnages pour les maltraiter avec une farce scato-parodique. Qu’il filme des univers opposés en fusion, qu’il crée des dialogues de pure autodérision, qu’il cède à l’humour visuel un peu fastoche (ça arrive ça et là), Paul Feig veut faire un cinéma jouissant et sophistiqué. L’impact comique de Melissa McCarthy n’est jamais aussi puissant que lorsqu’elle se mesure à un cinéma normatif. En ce sens, les codes du film d’espionnage lui vont très bien.

De Paul Feig. Avec Melissa McCarthy, Jason Statham, Jude Law. États-Unis. 2h. Sortie le 17 juin

 

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