Toronto 2015 : LONDON ROAD / Critique

11-09-2015 - 07:03 - Par

Toronto 2015 : LONDON ROAD / Critique

Un musical hors normes, tragique et grinçant, qui brille par son étrangeté mais qui peine à ne pas être redondant.

Automne 2006. Ipswich, Angleterre. En l’espace de six semaines, cinq femmes – toutes prostituées – vont être retrouvées mortes assassinées… De ce fait divers dramatique a été tirée une pièce événement du National Theatre anglais : « London Road », qui chronique les faits par le prisme d’une petite communauté et de ses habitants choqués et apeurés. Aujourd’hui, le musical prend vie au cinéma devant la caméra de Rufus Norris. Si, à la sortie de son premier film BROKEN, on avait loué sa capacité à étudier ses personnages mais moins apprécié sa tendance à la sur-stylisation, on pourrait faire un constat presque inverse sur LONDON ROAD. Ici, les personnages semblent tous légèrement survolés, ils ne sont que des entités presque conceptuelles, charriant derrière eux une certaine idée de l’Angleterre populaire et banlieusarde. Une utilisation de l’archétype visant une certaine universalité mais qui, au final, prive le spectateur d’avoir la moindre prise sur ces personnes dont les bassesses suscitent davantage de rigolade grinçante que d’empathie. Et ce, bien qu’ils soient tous campés par des acteurs habités, convaincants, drapés d’un voile de normalité rafraîchissant – y compris les deux « stars » que sont Olivia Colman, brillante comme à l’accoutumée, et Tom Hardy qui, le temps d’une scène, parvient encore à étonner par son lâcher prise. Grâce à ses protagonistes guère recommandables, Norris se régale à décortiquer la petitesse, la bêtise crasse, l’ignorance et l’hystérie collective, en une sorte de tourbillon dont surgit un humour mordant, souvent absurde. D’autant qu’il met ici pleinement à contribution son penchant pour l’esthétisme : armé de quelques plans virtuoses, il bâtit des tableaux aux idées souvent fortes, jouant autant sur une scénographie surréaliste du quotidien que sur de purs artifices cinématographiques. En découle une grande étrangeté, fascinante durant une vingtaine de minutes – mention spéciale à la première séquence musicale dans laquelle le ‘bruit’ de la folie médiatique s’agrège pour former une chanson. Malheureusement, LONDON ROAD tourne vite à vide. Parce que le spectateur peine à se lier aux personnages, il demeure souvent extérieur au film. Trop long, LONDON ROAD s’épuise rapidement et sombre dans la redondance, tant dans les paroles des chansons que dans son message général, asséné scène après scène après scène.

De Rufus Norris. Avec Olivia Colman, Anita Dobson, Tom Hardy. Royaume Uni. 1h32. Prochainement

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