Toronto 2015 : MISSISSIPPI GRIND / Critique

12-09-2015 - 04:12 - Par

Toronto 2015 : MISSISSIPPI GRIND / Critique

Deux accros au jeu en plein road movie : déjà vu et superficiel, mais porté par de fantastiques prestations d’acteurs.

Anna Boden et Ryan Fleck aiment les anti-héros, les personnages poussés dans leurs retranchements, dont l’originalité ou les névroses les mettent au ban de la société. Après le toxicomane de HALF NELSON et l’adolescent interné de IT’S KIND OF A FUNNY STORY, le duo s’attaque avec MISSISSIPPI GRIND à l’addiction au jeu via le destin de deux magnifiques losers : Curtis (Ryan Reynolds) et Gerry (Ben Mendelsohn). Le premier est un beau garçon, beau parleur, toujours prêt à raconter une anecdote qui tombe à point. Le second est un quadra lessivé par la vie et ses dettes, incapable de ne pas trahir la confiance de ceux qui l’entourent. Après s’être rencontré à une table de jeu, ils décident de partir en road trip le long du Mississippi. Le but : gagner sur la route la somme nécessaire pour participer à une partie de poker légendaire de la Nouvelle-Orléans. Impossible de reprocher à Boden et Fleck leurs nobles intentions : avec MISSISSIPPI GRIND, ils tentent de ressusciter un cinéma typique des années 70 exaltant la beauté de la lose, explorant le revers du rêve américain, donnant une tribune aux laissés pour compte de la gloire triomphale de l’oncle Sam. Des âmes en peine, esseulées, qui vivent chichement, des espoirs de grandeur plein la tête. Devant MISSISSIPPI GRIND, on pense à MACADAM COWBOY ou à FAT CITY. Dans l’idée seulement. Car MISSISSIPPI GRIND n’a pas la densité de ses aînés. Il ne parvient pas à maîtriser l’équilibre subtil (exigence auteuriste et divertissement accessible) qui faisait le charme du cinéma américain de cette période. Trop bavard, le scénario manque cruellement de consistance. Les nœuds dramatiques, assez lâches, se reposent sur des figures rebattues – dont celle du joueur incapable de s’arrêter au bon moment – et le récit s’avère des plus répétitifs – les répliques « It’s not about the money » / « Of course it’s about the money » semblent être lancées à l’infini par les deux personnages. Guère fondamental dans son étude du joueur ou dans son traitement du road movie, MISSISSIPPI GRIND semble avoir été déjà vu des dizaines de fois. Reste ses deux acteurs, superbement impliqués. Ryan Reynolds, dont le personnage est sans aucun doute le plus passionnant – et le moins exploré – du film, livre ici une partition toute en flamboyance usée et donne vie à un storyteller affable, séducteur, presque un clochard céleste ou un aventurier existentiel digne de Jack Kerouac. Ben Mendelsohn, bien que chargé de faire exister le loser invétéré classique, s’en sort avec la finesse qui caractérise chacune de ses interprétations. Si MISSISSIPPI GRIND n’a pas la tenue d’un film des 70’s, leurs prestations, elles, l’ont.

D’Anna Boden et Ryan Fleck. Avec Ben Mendelsohn, Ryan Reynolds, Sienna Miller. États-Unis. 1h48. Prochainement

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