Toronto 2015 : HIGH-RISE / Critique

14-09-2015 - 21:51 - Par

Toronto 2015 : HIGH-RISE / Critique

Le talent de Ben Wheatley déborde (trop) dans cette longue et redondante adaptation d’un roman de J.G. Ballard.

« Ça se passe dans un grand immeuble. Il y a beaucoup de sexe, de violence, de jurons, de contenu pour adultes, de la danse et c’est du J.G. Ballard. » Voilà donc HIGH-RISE résumé en quelques mots par son réalisateur Ben Wheatley. En six ans et quatre films (DOWN TERRACE, KILL LIST, TOURISTES et ENGLISH REVOLUTION), l’Anglais s’est hissé parmi les jeunes talents européens les plus prolifiques, révérés et courus. On ne s’étonne donc pas de le voir aujourd’hui diriger un casting de stars internationales : Tom Hiddleston, Luke Evans, Elisabeth Moss, Sienna Miller ou Jeremy Irons. Le tout pour une adaptation du roman I.G.H. de J.G. Ballard (dont l’œuvre a déjà inspiré CRASH et EMPIRE DU SOLEIL), sorte de SNOWPIERCER dans un immeuble où la hauteur de l’étage d’un appartement correspond au statut social de son propriétaire et où la situation va vite dégénérer en conflit sanglant entre les différentes classes. Avoir plus d’argent n’a pas calmé Ben Wheatley. Il y a effectivement dans HIGH-RISE « beaucoup de sexe, de violence, de jurons » et dans ce rétro futur qui rappelle autant PLAYTIME que BRAZIL, le cinéaste continue de déployer avec un plaisir assez communicatif son humour du macabre et un style extrêmement personnel où son sens du cinéma fait souvent mouche. C’est sans doute là que Wheatley démontre tout son talent, dans sa capacité à mettre en scène un monde totalement barré et iconoclaste, presque nonsensique, qui aurait pourtant l’air tangible, quasi ordinaire. Une manière pour lui de faire de la folie une sorte de norme dans cet univers ultra-libéral standardisé, robotisé, où tout est catalogué. C’est bien là tout le problème : au fil des scènes, cette aliénation totale empêche le spectateur de tout lien avec les personnages ou leur univers. Bien sûr, c’est le but recherché par Wheatley : bâtir une satire si virulente et si agressive – notamment dans son esthétique visuelle et sonore – que cette société ne puisse être que rebutante, révoltante, incompréhensible. Mais priver HIGH-RISE de toute possibilité d’empathie s’avère au final totalement contre-productif : sans attachement aux personnages, impossible d’avoir le moindre intérêt pour leurs émotions, leur situation ou tout simplement le récit. Luke Evans, en sang, erre en hurlant, Tom Hiddleston mange un chien, Elisabeth Moss s’offre sexuellement, James Purefoy défile en perruque du XVIIIe : et alors ? Un désintéressement qui vire d’autant plus à l’ennui que le propos semble redondant et la durée arbitrairement étirée. Et que Wheatley convoque le fantôme de Margaret Thatcher pour en rajouter une couche n’arrange rien : il surligne à nouveau son propos et ancre HIGH-RISE dans le passé, affaiblissant sa contemporanéité.

De Ben Wheatley. Avec Tom Hiddleston, Elisabeth Moss, Luke Evans. Royaume-Uni. 1h52. Prochainement

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