Une narration aérienne, une mise en scène noble et des acteurs impériaux : LE PONT DES ESPIONS est un grand Spielberg, humain et sophistiqué.
New York, 1957. Rudolf Abel (Mark Rylance) est un espion soviétique. James Donovan (Tom Hanks), avocat d’assurances, est chargé de le défendre en justice. Homme de principes et de valeurs, il se heurte à la vindicte populaire et au désir d’une justice expéditive. Quelques années plus tard, en 1962, la CIA le missionne de négocier avec l’URSS la libération d’un pilote américain… Dans LE PONT DES ESPIONS, rien n’est simple et d’un bloc, les frontières géopolitiques sont plus floues et les frontières morales plus claires que la réalité voudrait l’imposer. Le film lui-même est double : scindé en deux parties se répondant malicieusement ; inspiré de faits réels mais usant d’une vision subtilement fantasmée des 60’s ; complexe dans son propos mais spectaculaire car accessible et fluide. Pour Steven Spielberg, tout semble ici facile. La noblesse de sa mise en scène sépare les êtres pour mieux les réunir, la maestria sans cesse renouvelée de son storytelling emballe – son montage, usant de juxtapositions, exprime brillamment la marche inéluctable de l’Histoire et d’un récit tour à tour tendu, révolté, bouleversé. LE PONT DES ESPIONS fait partie de ces films devant lesquels le spectateur n’a rien à faire d’autre qu’ouvrir grand les yeux pour accéder au plaisir divin et inexplicable que suscitent les grands moments de cinéma. Ici, rien n’est laborieux ou lourd et c’est avec une sophistication cristalline rappelant ARRÊTE-MOI SI TU PEUX que Spielberg dissèque via la Guerre froide le monde actuel, sa politique de la terreur, la violence invisible qui souhaite faire plier l’âme humaine. Rudolf Abel « menace le mode de vie américain » ? LE PONT DES ESPIONS rappelle que, sous le feu de l’Histoire, on passe vite de bourreau à victime – et inversement. Quelle meilleure arme contre la barbarie, alors, que de vivre ensemble ? Qu’une communauté humaine régie par la loi et la justice, le désir de paix et l’honneur ? Au-delà des faits et de la réalité historique qui en font un thriller politique captivant, LE PONT DES ESPIONS est, via les figures capra-esques de Donovan et Abel (Hanks et Rylance sont impériaux), un nouveau portrait de l’utopie humaniste chère à Spielberg. Ici, personne ne gagne tant qu’au bout du monde, d’autres n’ont pas la même liberté et la même illusion de sécurité qui sont les nôtres. Face à la mort, à la peur, aux murs qui divisent, aux balles qui déchirent, aux bureaucraties qui aliènent, Spielberg exhorte l’Homme à rester droit. Et debout. Un message simple mais d’une beauté sidérante qui ne peut, aujourd’hui, que résonner avec une force inouïe.
De Steven Spielberg. Avec Tom Hanks, Mark Rylance, Amy Ryan. États-Unis. 2h12. Sortie le 2 décembre
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