BÉLIERS : chronique

09-12-2015 - 17:54 - Par

BÉLIERS : chronique

Le gagnant de la dernière édition du Certain Regard cannois est islandais, bouleversant et fait rigoler en milieu rural. Génial.

Beliers-PosterÀ l’instar des grands espaces islandais qu’il met en scène, BÉLIERS est dépeuplé et silencieux. Une poignée de personnages pas bavards se partagent des pâtures et élèvent des bêtes. L’économie locale est en partie basée sur les béliers. Deux frères, Gummi et Kiddi, qui ne s’adressent plus la parole depuis 40 ans mais vivent sur la même terre héritée de leur père, prospèrent grâce à un cheptel récompensé pour sa qualité. Quand l’un des béliers est toutefois touché par la tremblante, un mal qui n’avait pas sévi depuis des décennies, ils vont devoir tous les deux abattre leurs bêtes. Sur le thème « devant l’adversité, il serait peut-être temps de mettre nos vieilles querelles de côté », BÉLIERS fait planer le doute sur une potentielle réconciliation. Car il entend traiter jusqu’au bout et en profondeur la fragilité du lien humain en zone rurale (d’autant qu’il s’agit ici de l’Islande, pas le plus dense des pays avec ses 3,2 habitants au km2) et la solitude qui toujours menace. Sans les bêtes, les éleveurs seront probablement encore plus isolés, sans ressource et forcés à l’exode, et les frères seraient respectivement trop seuls chacun de leur côté pour ne pas renouer. Il faut donc sauver des béliers pour une raison paradoxale : ne pas avoir à se re-aimer d’une part, mais aussi perpétuer cette glorieuse lignée de béliers qui est une valeur familiale sûre contrairement à la fraternité. Le réalisateur Grimur Hakonarson (dont c’est ici le deuxième film, le premier n’étant jamais sorti en France) raconte deux frères qui ne s’aiment plus comme il raconterait un couple qui s’est fâché : avec des disputes par chien voyageur interposé, des regards désolés, des moues en pétard et des coups de fusil sans rancune. Son BÉLIERS, aussi drôle qu’il est tragique, est d’une grande douceur, car ses personnages sont des grands sentimentaux. Des gentils aussi sauvages que la nature qui les a vu naître et qui, à force de se battre contre la rudesse et la dureté, ont troqué le lien humain pour le lien bestial. Mais comme nous ne sommes que des bêtes, BÉLIERS finit par célébrer la beauté de la relation presqu’animale qui unit Gummi et Kiddi. Comme ses deux sujets barbus, c’est un film qui sous ses airs mal dégrossis est terriblement attachant. Que BÉLIERS ait remporté le Prix Un Certain Regard au dernier Festival de Cannes, face à des films plus durs ou plus politiques (par exemple le drame mexicain LES ÉLUES, voir p.45), est l’étonnant triomphe d’un cinéma élémentaire. Parfois, c’est la simplicité d’une histoire qui parvient à vous prendre par les sentiments.

De Grímur Hákonarson. Avec Sigurður Sigurjónsson, Theodór Júlíusson, Charlotte Bøving. Islande. 1h33. Sortie le 9 décembre

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