VUE SUR MER : chronique

09-12-2015 - 17:56 - Par

VUE SUR MER : chronique

Caprice d’une star toute-puissante qui s’offre un mélo chic, VUE SUR MER est un naufrage maniéré fascinant pour de mauvaises raisons.

VueMer-PosterDepuis quand n’avez-vous pas vu un vrai naufrage ? Un vrai film improbable, impossible, un film qui dès son générique sent la cata à plein nez ? C’est peu ou proue l’expérience que propose le visionnage de ce VUE SUR MER, écrit et réalisé par Angelina Jolie Pitt. Auscultation hasardeuse des aléas sentimentaux d’un couple d’Américains reclus dans un hôtel du sud de la France, le film joue la carte du drame psy façon vintage chic et fonce tête baissée dans le ridicule. Lui (Brad Pitt) est un écrivain bourlingueur, vaguement alcoolique, Elle (Angelina Jolie) traîne son hystérie dans de longs déshabillés vaporeux et cache sa mélancolie derrière d’immenses lunettes fumées St Laurent. Ils se sont aimés, ne s’aiment plus, ne le savent pas, se demandent, s’interrogent et tout ça pendant près de 2h. Que l’intrigue du film soit minimale passe encore. VUE SUR MER porte bien son nom, c’est un film de chambre. Nous étions prévenus. Hélas, on aurait aimé que cette chambre ne soit pas remplie des fantômes, ou plutôt, des fantasmes de cinéma européen d’Angie. Vadim, Antonioni, Godard, tout le monde se bouscule dans ce cinéma alangui et poseur qui confond « modernité » et ennui. VUE SUR MER, c’est LE MÉPRIS par Louis Vuitton, une coquille vide et honteusement luxueuse qui agite les thèmes et manières d’un cinéma de l’intime sans être jamais ni incarné ni personnel. Brad et Angelina jouent à la thérapie conjugale, prennent sûrement un pied pas possible à être « à la ville / à l’écran » mais ne reste, in fine, que l’inanité de dialogues explicatifs, le mystère banal d’un film exsangue. Le vieux couple, le jeune couple, les regrets, les non-dits, le temps qui passe, tout ce fatras de cinéma psy tourne ici à la caricature de cinéma européen, un peu comme se le représentait Hollywood dans les 60’s. Hélas, on soupçonne Angelina d’être ici terriblement premier degré. Pourtant, d’où vient le plaisir un peu coupable que l’on prend malgré tout ? La fascination du pire, peut-être, le sentiment assez salvateur de voir un film aberrant, mal pensé, quasi en roue libre. Surtout, voir Angelina et Brad articuler des phrases dans un français presque incompréhensible provoque quelques fous rires salvateurs. Angelina tout en négligé de soie, faisant ses courses dans une petite épicerie typique ; Brad Pitt dissertant de l’amour avec Niels Arestrup autour d’un « keugnac » ; le film cultive tout un tas de scènes improbables, involontairement comiques qui font le plaisir pervers du spectateur égaré. On devient vite fasciné de voir ainsi ces acteurs au sommet d’Hollywood jouer avec autant de sérieux un aussi mauvais film. VUE SUR MER est le versant luxueux du crapoteux THE CANYONS de Paul Schrader. Même fascination malsaine pour un film qui s’égare, même manière d’observer des acteurs plus que des personnages en train de jouer à être ce qu’ils ne sont pas. À l’heure où les films nous épuisent avant même d’avoir commencé, à l’heure où l’on a l’impression que tous les films se ressemblent, le vautrage en grande largeur d’Angelina redonne espoir dans un cinéma américain qui déconne, qui dérape, toujours encore suffisamment vivant pour ne pas complètement marcher droit.

De Angelina Jolie Pitt. Avec Angelina Jolie Pitt, Brad Pitt, Mélanie Laurent. États-Unis. 2h. Sortie le 9 décembre

2Etoiles

 

 

 

 

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