STAR WARS – LE RÉVEIL DE LA FORCE : chronique

16-12-2015 - 09:01 - Par

STAR WARS – LE RÉVEIL DE LA FORCE : chronique

D’une grande richesse émotionnelle, généreux et élégant, LE RÉVEIL DE LA FORCE est irrésistible. Et il se relève toujours quand il trébuche.

SW7-PosterDans une galaxie lointaine, très lointaine. Trente ans après LE RETOUR DU JEDI, la saga STAR WARS continue… Pour saisir l’identité profonde de STAR WARS – LE RÉVEIL DE LA FORCE, il suffirait presque d’en citer ses deux co-scénaristes principaux : J.J. Abrams et Lawrence Kasdan. En effet, par leur parcours, leur lien à l’univers STAR WARS – l’un en est fan, l’autre en est l’un des auteurs légendaires – et leur expérience, ils sont les réifications des deux forces motrices symboliques du septième épisode de la saga : le moderne et le classique. L’actuel et l’ancien.

Le retour aux sources, retrouver le frisson d’antan : une note d’intention qui a été rabâchée par l’équipe du RÉVEIL DE LA FORCE depuis la mise en chantier du film mais qui, au final, résume parfaitement son cœur. Film à deux têtes, Abrams et Kasdan, cet EPISODE VII s’avance, massif, en quasi relecture contemporaine du tout premier volet, UN NOUVEL ESPOIR – dans la structure de son récit, certains de ses ressorts dramatiques ou de ses péripéties, quitte à risquer la redite. Dans son attachement au monomythe campbellien aussi, dont il redéfinit habilement certaines des interactions passées. Là, on retrouve la patte si particulière – et si critiquée – de J.J. Abrams, agent du ‘refaisage’ permanent qui, ici encore, transforme ce qui a été. On songe notamment à sa manière de se saisir des transitions de montage chères à Lucas, dont la fermeture à l’iris, qu’il fait siennes en les modifiant légèrement – en les incorporant à des volutes de fumée ou à la rémanence trouble d’un cauchemar. Jamais handicapé par son SW7-Pic1admiration pour STAR WARS, il en réutilise sans s’excuser les images fantasmatiques. Il se sert de la récurrence de motifs visuels marquants, d’éléments constitutifs de l’univers STAR WARS pour faire son grand film sur la transmission – un thème qui, depuis toujours, hante tout son travail. Transmission des traumas, des joies, des légendes et des mythes, des souvenirs et des amnésies. Transmission des erreurs, aussi, comme raison de la répétition ad nauseam de l’Histoire – raison pour laquelle l’imagerie totalitaire du Premier Ordre et de l’Empire est valide à toute époque, pour toute génération, qu’elle renvoie à l’Allemagne Nazie, à la dictature soviétique ou à des barbaries plus actuelles. LE RÉVEIL DE LA FORCE filme sans détour, mais avec grâce, le temps qui a passé sur les visages des héros des premiers films et confronte avec énergie la jeune génération aux vestiges d’un monde passé qui n’est pas le leur. Ainsi, Abrams filme littéralement de nouveaux personnages prendre possession de STAR WARS, de ses codes, de ses lieux, de ses décors, de ses armes légendaires, de ses enjeux narratifs et émotionnels.

La dimension méta – profondément inscrite dans la mécanique de relecture opérée par le film – est ainsi évidente et elle se révèle passionnante. Dans ce RÉVEIL DE LA FORCE où les exploits d’antan de Han, Luke et Leïa et les méfaits de Vador sont des mythes ayant inspiré les nouveaux héros et vilains, diverses générations de personnages s’entremêlent, se répondent pour se passer le relais, se transmettre leur savoir et leurs émotions. Et, à travers eux, diverses générations de spectateurs et de filmmakers font de même. Pas étonnant que la patte Lawrence Kasdan explose ainsi avec tant de vivacité à l’écran : on retrouve ses dialogues écrits au cordeau, son humour ironique, ses saillies screwball, son attachement à une dramaturgie classique – au sens noble et théâtral du terme –, qui font ici des merveilles et permettent au RÉVEIL DE LA FORCE de survoler tout l’entertainment américain actuel.

SW7-Pic2On a beau s’interroger devant l’intérêt du personnage du Leader Snoke (seul vrai ratage narratif et visuel du film), devant une longue et inutile scène impliquant des monstres dans les couloirs d’un vaisseau – dernier vestige de la prélogie, dans le ton et la forme –, LE RÉVEIL DE LA FORCE se relève de ses quelques défauts avec une classe et une désinvolture admirables, allant vers des territoires que l’on aurait pensé proscrits dans un tel blockbuster. Abrams et Kasdan mènent même ce septième volet vers ce qui pouvait parfois manquer aux premiers films de Lucas : des décharges émotionnelles bouleversantes, des élans profondément sentimentaux – notamment lors d’un dernier tiers tout bonnement superbe. Bâtissant la dramaturgie sur un récit simple et limpide, refusant le spectacle à tout prix, ils peuvent tout faire reposer sur des personnages remarquablement croqués et d’une grande complexité. À ce titre, Daisy Ridley, John Boyega, Oscar Isaac ou Adam Driver, pour ne citer qu’eux, sont fantastiques de justesse et de gravitas. Captant leurs visages tiraillés entre la peur, le courage, l’empathie et la colère, Abrams iconise sans se forcer chaque plan et, par son découpage, prouve autant sa compréhension de l’univers STAR WARS que sa capacité à mythifier ce qu’il filme. Par la simple puissance d’évocation de ses images, il fait entrer LE RÉVEIL DE LA FORCE dans le pur ressenti, le sentiment et l’impalpable. Et en… transmet toute la richesse.

De ce RÉVEIL DE LA FORCE moderne et classique se dégage ainsi intemporalité et universalité. À l’image de la plus grande réussite du film : le personnage de Rey, campé par Daisy Ridley. Jamais sexualisée mais jamais déféminisée pour autant, évoluant dans des strates bien plus intéressantes que celles rebattues et restrictives de ‘la femme forte’, elle est une grande, captivante et poignante héroïne de cinéma à laquelle tout spectateur saura, voudra et aimera s’identifier. Donner une telle leçon au machisme tenace d’Hollywood n’est pas la moindre des raisons pour laquelle on aime tant cet élégant et généreux RÉVEIL DE LA FORCE.

De J.J. Abrams. Avec Daisy Ridley, John Boyega, Oscar Isaac, Adam Driver, Harrison Ford, Carrie Fisher. États-Unis. 2h16. Sortie le 16 décembre

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