AGENTS TRÈS SPÉCIAUX – CODE UNCLE : interview de Armie Hammer

01-02-2016 - 11:28 - Par

AGENTS TRÈS SPÉCIAUX – CODE UNCLE : interview de Armie Hammer

Le dernier film en date de Guy Ritchie sort en DVD et Blu-ray. Retrouvez notre interview de l’une des stars du film, le trop souvent sous estimé Armie Hammer.

Cet entretien a été publié au préalable dans Cinemateaser Magazine n°47 daté septembre 2015.

Son Illya Kuryakin est aussi rigide et burlesque que celui campé dans la série par David McCallum était l’incarnation du flegme cool. Après avoir été fait star par THE SOCIAL NETWORK, Armie Hammer prouve avec AGENTS TRÈS SPÉCIAUX qu’il en a encore sous le capot. De sa réticence à être un leading man aux cicatrices laissées par l’échec de LONE RANGER, en passant par le JUSTICE LEAGUE avorté de George Miller, il aborde avec Cinemateaser tous les sujets sans la moindre langue de bois.

 

Uncle-Pic1Vous avez été engagé sur AGENTS TRÈS SPÉCIAUX à l’époque où Tom Cruise devait incarner Napoleon Solo. Son départ a-t-il changé quoi que ce soit pour vous ? On imagine que pour un jeune acteur, il est plus difficile d’exister à l’écran au côté d’une star comme Tom Cruise…
Je n’y ai pas pensé de cette manière, mais il est possible que vous ayez raison. Quand Guy [Ritchie] a choisi d’engager Henry [Cavill] après le départ de Tom, je me souviens avoir pensé : ‘Ça fait sens, en fait’. Ça me paraissait logique que ces deux personnages soient davantage similaires, notamment en terme d’âge. Cela m’apparaissait être un bon changement au final – et puis Guy avait l’air de savoir ce qu’il faisait. Quoi qu’il ait voulu faire, j’étais heureux d’être dans un film de Guy Ritchie. C’était le cas quand il y avait Tom Cruise au générique. Et c’était tout autant le cas avec Henry à sa place.

Vous êtes particulièrement drôle dans le film. Illya était-il écrit ainsi ou cela a-t-il pris forme durant
la préproduction et le tournage?
Avant toute chose, j’aime le fait que
tous ces personnages soient drôles sans essayer de l’être. Le film développe vraiment un humour de situation. Concernant Illya, sa drôlerie découle de son ultracompétence : il sait comment être le meilleur agent du KGB, il sait comment faire ses recherches et atteindre une cible. Mais si vous le mettez dans une quelconque autre situation, il devient extrêmement maladroit et il perd tout contrôle. L’humour vient de là. Si Illya savait qu’il était drôle dans cette situation ou si j’avais cherché à être drôle dans mon interprétation, cela n’aurait pas fonctionné.

Vous êtes imposant physiquement: est-ce qu’un corps comme le vôtre est un bon point de départ pour ancrer une telle prestation comique, gauche et nerveuse?
Oui, c’est le cas. Le corps peut clairement être la fondation d’une performance comme celle-là. Mais en ce qui me concerne, sur ce film, je suis avant tout parti de pures recherches sur le système soviétique. En fait, il fallait que je comprenne ce système et le mode de vie soviétique. Je suis un Américain jouant un Soviétique qui, dans le récit, s’oppose à un Américain – même si Henry est anglais. Pour les Américains, les Soviétiques étaient les vilains pendant plusieurs décennies. Chaque personnage russe dans les films hollywoodiens entre les 60’s et les 80’s était du type Boris et Natasha (personnages du cartoon des 60’s THE ROCKY & BULLWINKLE SHOW, ndlr) ! (Il parle anglais en hurlant avec un accent russe exagéré, ndlr). Ce genre de choses. Je ne pouvais pas approcher le rôle d’Illya de cette manière. Il fallait que je sache comment le système soviétique fonctionnait, comment les gens réagissaient à ce système, comment ils voyaient dans l’Amérique un peuple de fous égoïstes. C’était important pour moi : ainsi, sur le plateau, je pouvais regarder Henry comme s’il était un extraterrestre ou la créature la plus étrange du monde. Aucun des deux systèmes – soviétique ou américain – n’était le bon ou le mauvais au final. C’était juste les systèmes en place à l’époque.

Uncle-Exergue1Mais quand on voit AGENTS TRÈS SPÉCIAUX, on se dit que, pour la première fois, vous utilisez votre corps de manière consciente. Vous n’êtes pas qu’une simple présence physique. Avez-vous l’impression d’avoir découvert quelque chose sur vous et votre jeu ces deux dernières années?
C’est possible, oui. J’espère apprendre
au moins une chose sur chaque projet. Du coup lorsque je revois mes anciens films, je ne me dis jamais ‘Oh, c’est super’ mais ‘Pourquoi j’ai fait ça comme ça ? Pourquoi je reste planté là ? Pourquoi je dis ça comme ça ?’. On apprend les choses au fur et à mesure du processus et, quand on bosse sur un film, on espère qu’une fois le tournage terminé, on ne sera pas le même qu’au début. Avec un peu de chance, le métier d’acteur est une évolution constante.

Cette année, outre AGENTS TRÈS SPÉCIAUX, est sorti KINGSMAN de Matthew Vaughn. De votre perspective d’Américain, pourquoi ce sont les Anglais qui tentent de remettre le fun dans les films d’action et d’espionnage ?
Je ne sais pas… Si j’y réfléchissais, je trouverais sans doute des réalisateurs américains tout à fait capables de le faire aussi. Mais les Anglais ont ce superbe sens de l’humour, ce sens de l’ironie. Ils savent être facétieux. Ils ont aussi cette richesse de texture dans leur langage… Quand j’écoute Guy et Henry parler, dès qu’ils commencent à blaguer et à se vanner, je suis totalement perdu. Je ne peux absolument pas contribuer à la conversation en raison de la différence
de langage. Américains et Anglais ont vraiment des sens de l’humour différents. Il y a donc une spécificité à ce cinéma britannique – comme il y en a une dans le cinéma français, une autre dans le cinéma russe, etc. Chacun a une compétence très particulière. Mettre de l’humour et une certaine légèreté à toute situation est quelque chose que fait très bien Guy.

Mais pensez-vous que le cinéma de divertissement américain soit
trop sérieux aujourd’hui? Avant, on avait RETOUR VERS LE FUTUR, GREMLINS, INDIANA JONES, DIE HARD… Le cinéma américain a perdu quelque chose en route?
Je ne sais pas s’il a perdu quelque chose, mais le système hollywoodien fonctionne d’une certaine façon désormais. À savoir que si quelque chose fonctionne, les gens sont moins nerveux. En revanche, si quelque chose est nouveau et n’a jamais été éprouvé auparavant, tout le monde se met à s’agiter : ‘On ne sait pas si ça va marcher ! Il faut réunir des focus groups ! Il faut faire des projections tests et nous assurer que le public aime cette histoire et blablabla !’ Puis le film sort et si le public aime, alors ils se détendent. C’est comme ça que ça se passe aujourd’hui. Mais vous savez, dans le cinéma – comme dans toute autre chose –, tout fonctionne par phases. À l’heure actuelle, le cinéma américain semble souvent dénué de fun. Cela dit, le monde est devenu si ‘petit’ aujourd’hui – je n’ai pas tourné un film aux États-Unis depuis quelques années maintenant, par exemple. Ce n’est donc pas vraiment grave à mes yeux car les films que je regarde viennent du monde entier.

Uncle-Pic2C’est ce qui était appréciable dans LONE RANGER: il essayait quelque chose en dehors des règles actuelles, quitte à se tromper.
Oui, c’était un film audacieux.

L’échec du film a-t-il laissé des traces ou des névroses chez vous?
Probablement, oui.

Par exemple, vous avez peur d’un possible échec d’AGENTS TRÈS SPÉCIAUX ?

Non. Et c’est justement ce que LONE RANGER m’a appris : à partir du moment où le réalisateur a lancé son dernier ‘Coupez’, j’en ai officiellement terminé avec un projet. Ma contribution est faite, je n’ai plus d’impact sur le film. À partir de ce moment-là, je n’ai plus qu’à attendre et c’est parfois paralysant car la réaction suscitée par le film est la responsabilité d’autrui. La seule chose dont je suis responsable, c’est ma performance.
Je dois tout faire pour éviter que les gens regardent le film en se disant : ‘Ohlala, Armie a vraiment fait de la merde’. Je dois faire le meilleur boulot possible. Concernant LONE RANGER, je garde en moi l’expérience qu’a été de tourner un film pareil. Je crois qu’il restera le dernier film qu’Hollywood aura produit de cette manière. On a construit 30 kilomètres de voie ferrée! On a construit quatre villes et on a fini par en brûler une partie! On a jeté des trains d’une falaise ! Tout ça en dur, en vrai. Je ne pense pas qu’ils referont ça un jour. Pour moi, pouvoir faire ça… Certains jours, sur le tournage, j’étais au camp de base et on me disait : ‘Armie, tu es attendu sur le plateau. Prends ce cheval, tu vas derrière cette montagne et quand tu arrives à la vallée, la piste se sépare en deux : prends
à gauche. Suis le chemin pendant trois kilomètres et tu y es.’ Franchement, j’avais l’impression de faire un film comme
à l’époque de John Ford. C’était une expérience fantastique. Mais oui, ça m’a sans doute laissé des cicatrices… Je ne suis pas nécessairement inquiet concernant le résultat d’AGENTS TRÈS SPÉCIAUX parce que je n’ai aucun contrôle sur ces choses-là. En revanche, dès qu’on me demande si on va faire une suite, je me crispe… et je répète que je ne sais pas.

L’échec de LONE RANGER n’est pas votre première cicatrice : quelques années auparavant, vous aviez été casté par George Miller pour être Batman dans JUSTICE LEAGUE et le film ne s’est pas fait… Est-ce parfois difficile de se restreindre de vouloir certaines choses quand on sait que la situation vous les refuse ?
Bien sûr, j’ai mes propres désirs et mes propres attentes. Mais le très sage Bouddha a dit que les attentes étaient les racines de toutes les souffrances. Donc si quelque chose ne doit pas se faire, cela ne doit pas se faire. Le projet JUSTICE LEAGUE s’est effondré pour une raison. Personnellement, je sais pourquoi aujourd’hui je suis content que le film
ne se soit pas fait…

Uncle-Exergue2Vous étiez trop jeune?
Oui, clairement. Je n’étais pas prêt. Je ne pense pas que le monde veuille voir un Batman âgé de 19 ans –c’était l’âge que j’avais à cette époque. Bien sûr, je fais entièrement confiance au jugement de George Miller : c’est un génie et il aurait sans doute réussi à faire fonctionner tout ça. Mais je sais que si j’avais été un élément extérieur, j’aurais tiqué en voyant un mec de 19 piges incarner Batman. ‘Mec, t’es encore un gamin! Tu sais à peine comment on paie ses impôts !’ (Rires.) Tout arrive pour une raison et c’est la seule chose que l’on puisse se dire dans ce genre de situations. Surtout dans un business comme celui-là, où l’on a si peu de contrôle sur les choses.

Vous êtes devenu connu avec le film d’un grand auteur, THE SOCIAL NETWORK de David Fincher. Et tout à coup, vous avez été parachuté sur de gros projets. Est-ce vraiment un changement que l’on peut digérer? Avez-vous le sentiment d’être un leading man ou est-ce quelque chose que l’industrie a essayé de faire de vous ?
Non, je ne me sens pas du tout leading man. Du tout. Et je ne sais pas si cela me conviendrait de me sentir leading man. J’ai juste toujours voulu me sentir… acteur. Un acteur qui aurait du boulot, qui arriverait préparé sur un plateau avec la volonté de faire ce que le réalisateur demande. Si je me voyais comme un leading man, je me mettrais en tête de proue d’un projet alors qu’à mes yeux, je suis au contraire là pour servir un projet. Je suis là pour satisfaire un réalisateur : c’est lui qui connaît le ton du film, qui a une vue d’ensemble. Moi, je connais mon personnage. Hollywood est toujours en quête de nouveaux leading men
et je ne pense pas être nécessairement ce genre de mecs.

Dans les projets pour lesquels vous avez signé ces deux dernières années et qu’on découvrira prochainement, il y a notamment un film sur une révolte d’esclaves réalisé par l’acteur Nate Parker (THE BIRTH OF A NATION), une réalisation de Stanley Tucci (FINAL PORTRAIT), un polar de Ben Wheatley (FREE FIRE). On a l’impression que vous cherchez à faire de plus petits projets et à vous émanciper d’Hollywood…
Complètement. C’est une démarche consciente. J’ai adoré faire AGENTS TRÈS SPÉCIAUX, c’était vraiment une expérience incroyable. J’ai aimé travaillé avec Guy. Mais dans le même temps, durant tout le premier mois du tournage, je n’ai pas dit un seul mot devant la caméra. Tout ce que j’avais à faire, c’était courir, me cacher dans un coin, mettre en boîte de l’action. Non pas que je n’aimais pas ça, mais je n’avais pas franchement l’impression de jouer la comédie. Je n’avais pas l’impression de faire mon travail, ce pour quoi j’ai été formé. Donc après AGENTS TRÈS SPÉCIAUX, j’ai appelé mon agent et je lui ai dit que je voulais jouer, que je voulais être mis
à contribution, avoir le sentiment de faire un film qui pourrait s’effondrer à tout moment et pour lequel il fallait être une équipe présente à chaque instant. Je voulais revivre ça et j’ai eu de la chance que cela se fasse.

AGENTS TRÈS SPÉCIAUX – CODE UNCLE
Disponible en DVD/Blu-ray
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