THE REVENANT : chronique

23-02-2016 - 14:37 - Par

THE REVENANT : chronique

Entièrement dévoué à la performance – de son acteur, de son chef opérateur –, Iñárritu signe un tour de force vain et complaisant.

Revenant-PosterDans BIRDMAN, Alejandro González Iñárritu manipulait son public en faisant croire répétitivement au suicide de son protagoniste. Logique, en somme, que son film suivant mette en scène un trappeur increvable qui trompe la mort plusieurs fois alors que le cinéaste lui fait subir les pires outrages dans un Grand Ouest enneigé et impitoyable. THE REVENANT adapte lointainement une histoire vraie déjà portée à l’écran dans LE CONVOI SAUVAGE (1971) de Richard Sarafian : celle de Hugh Glass, guide attaqué par un grizzly et laissé pour mort par son équipe en pleine nature. Réchappant à ses blessures, il va traverser des centaines de kilomètres pour se venger. Que fait Iñárritu de cette histoire fascinante de résilience, de lâcher prise face aux éléments, de communion métaphysique de l’homme avec son animalité ? Une course à la performance souvent vaine, véhicule potentiel à l’oscarisation de sa star, Leonardo DiCaprio. Habitué des prestations transcendées, l’acteur dépasse ici toutes les limites : il vocifère, grogne, bave, coule du nez, dévore de la moelle à même un squelette, cautérise ses plaies, mange des feuilles en roulant des yeux ou un foie de bison en vomissant. Cette implication extrême mais ostentatoire ne crée aucun engagement émotionnel, tant l’acteur apparaît guère dirigé dans ses excès et finit par prendre le dessus sur son personnage. Par la faute d’un symbolisme lourdaud – Glass revêt une peau d’ours ; il renaît métaphoriquement plusieurs fois –, THE REVENANT n’est que représentation sans incarnation. Filmé en lumière naturelle, en pleine nature, par l’intrépide chef op’ Emmanuel Lubezki (GRAVITY, BIRDMAN), THE REVENANT, dans son dolorisme, n’a même pas la grâce du mauvais goût volontaire. Lubezki dit avoir voulu ouvrir une fenêtre sur le réel et abattre toute barrière entre le public et les personnages. Mais l’abus de plans-séquences impossibles (aux jointures numériques visibles), de gros plans en grand angle, de contre-plongées déformées sur-signifiantes, de jaillissements de sang ou de buée sur la lentille ne font qu’imposer une certaine artificialité et écraser le spectateur sous le poids du tour de force. Parce qu’elle en fait trop pour essayer de transmettre le chemin de croix de Glass, la caméra ne met plus en scène, elle devient le personnage principal. Et, à force de rappeler à chaque plan l’effort que celui-ci a nécessité, THE REVENANT perd toute élégance, toute mystique, et ne devient que surlignage maladroit – jusqu’à cette explication de texte en voix off dans une des dernières scènes. Là réside sans doute toute la différence entre le virtuose et le laborieux.

D’Alejandro González Iñárritu. Avec Leonardo DiCaprio, Tom Hardy, Domhnall Gleeson. États-Unis. 2h36. Sortie le 24 février

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