BELGICA : chronique

02-03-2016 - 09:59 - Par

BELGICA : chronique

Ce « biopic » d’un mythique club de Gand confirme que, même avec leur part d’ombre, les nuits sont bien plus belles que les jours.

Belgica-PosterUn film qui s’intitule BELGICA affiche de fait une certaine ambition. Si ce titre évoque un pays tout entier, c’est une nation apatride qui est au cœur du cinquième long-métrage de Felix Van Groeningen : celle de la nuit et de ses fiestas sans fin. Le fond de BELGICA pourrait remixer la devise française (« Liberté, Égalité, Fraternité ») en en bousculant l’ordre. Le point de départ est la fraternité: Jo et Frank, deux frères qui s’étaient un peu perdus de vue, renouent lorsque l’aîné qui tourne en rond dans sa vie de famille trop pépère propose à son cadet de le rejoindre aux commandes de son bar. Ils vont l’agrandir, en faire un club qui va devenir le lieu le plus couru de Gand. L’égalité se manifeste ensuite dans la volonté des deux frères de gérer ce lieu et son équipe comme une mini-démocratie, entre ouverture des portes aux clients sans distinction de classe sociale et réunions du personnel comme des assemblées où chacun peut prendre la parole. La liberté n’est alors plus qu’une formalité d’usage dans cet espace de plus en plus hédoniste. On l’aura deviné : tout ceci va se fissurer quand les deux frères vont être débordés par l’utopie (la fête comme alternative à un modèle social, politique ou familial moribond) qu’ils ont voulu construire. Trop de drogues, trop de monde, trop de coups de canif dans la relation entre Jo et Frank; la fête va virer au cauchemar. Le modèle de BELGICA est connu: comment ne pas y voir un cousin belge de 24 HOUR PARTY PEOPLE, le récit de l’ascension et la chute de l’Hacienda, le mythique club des années ecstasy anglaises ? Mais Felix Van Groeningen surpasse Michael Winterbottom, puisque BELGICA est plus pleinement et physiquement incarné. La fluidité de la mise en scène et du montage, ainsi que l’utilisation de la musique majoritairement jouée live, s’immergent dans la moiteur, la frénésie et le magnétisme de ce club et de ses fêtes. Ce maelström centrifuge, cabosseur des âmes des personnages, exsude une authenticité qui semblait avoir disparu au cinéma depuis le BOOGIE NIGHTS de Paul Thomas Anderson (1997). Malgré quelques digressions –les sous-intrigues, notamment les relations de Jo et Frank avec leurs compagnes, sont en deçà du reste et ralentissent la chronique du monde de la nuit–, BELGICA, film phénoménalement pulsatif, transmet comme rarement la sensation d’euphorie comme de gueule de bois. On en sort comme au petit matin après une grosse soirée qui s’est éternisée: hébété, épuisé mais avec la sensation d’avoir été particulièrement vivant et l’envie de replonger dans cette exaltante agora dès que possible.

De Felix Van Groeningen. Avec Stef Aerts, Tom Vermeir, Hélène De Vos. Belgique. 2h07
. Sortie le 2 mars

4Etoiles

 

 

 

 

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