Cannes 2016 : THE NEON DEMON / Critique

20-05-2016 - 13:21 - Par

Cannes 2016 : THE NEON DEMON

De Nicolas Winding Refn. Sélection officielle, En Compétition.

Synopsis (officiel) : Une jeune fille débarque à Los Angeles. Son rêve est de devenir mannequin. Son ascension fulgurante, sa beauté et sa pureté suscitent jalousies et convoitises. Certaines filles s’inclinent devant elle, d’autres sont prêtes à tout pour lui voler sa beauté.

Nicolas Winding Refn nous a toujours raconté des histoires. De vikings, de prisonniers anglais, de chevaliers blancs… Avec une certaine idée du romanesque et du cauchemar. Au fil de sa filmographie, il a travaillé un ton plus sexuel, jusqu’à ce que ONLY GOD FORGIVES ne parle quasiment plus que de ça. Ainsi, qu’il finisse par faire un film de possession, de possession par la beauté, semble presque une évolution naturelle. Un film d’horreur sans les balises de l’horreur, nous promet-il. Un film sur la beauté « très présente dans [sa] vie », celle « qui donne aux femmes un certain pouvoir », « qui peut mener à une forme de folie ». Et de conclure cette note d’intention, publiée dans le dossier de presse, par une référence à Narcisse qui est mort de s’être trop admiré. Ce postulat de départ, un peu simpliste, Nicolas Winding Refn aura du mal à l’exploiter sous forme de récit. Le parcours de cette jeune américaine débarquée à Los Angeles pour devenir mannequin tient sur un bout de nappe. Et deux heures pour nous raconter sa transformation en créature vaniteuse et en objet de convoitise, c’est long. Un rapport histoire/durée déplorable qui vous donne une idée de la complaisance du film. Refn ne dénonce rien, et même s’il argue « fuck the establishment » en conférence de presse cannoise, il exploite une industrie de la mode en lui chipant tous ses codes, tous ses effets, toutes ses aberrations mais la regarde de haut, en traitant cinématographiquement ceux qui la font comme des crétins. Bien sûr, le film est plastiquement intéressant. Comme son nom l’indique, il est très L.A. nocturne, très papier glacé. Envoûtant donc, puisque chapoté par le « démon du néon ». Mais le film se repaissant du minimalisme, embrassant le statisme comme une mannequin qui pose, Refn ne se préoccupe que de la géométrie du cadre et malheureusement, le résultat est souvent sage comme une image. Rien de neuf dans le visuel refnien. Surtout, d’autres l’ont mieux fait avant lui (Gaspar Noé, Kubrick) ; lui-même l’a mieux fait avant cela. Dans ce NEON DEMON figé et sans chair, il y a le mauvais goût des excellents réalisateurs, mais paralysé par le premier degré. Nicolas Winding Refn s’entête à vouloir faire de l’horreur sans horreur dans un grand spot publicitaire pour lui-même – aujourd’hui, il s’est brandé en « NWR ». Sans la générosité et la jouissance que ses films charriaient si bien avant (même dans ses récits les plus abruptes comme VALHALLA RISING), son cinéma fait désormais la gueule, mais pas par prise de position, par apathie. Parce que, comme plein de mannequins, d’actrices, d’acteurs, et de réalisateurs, NWR est persuadé que faire du boudin lui donne un air plus intelligent.

De Nicolas Winding Refn. Avec Elle Fanning, Jena Malone, Keanu Reeves. France/États-Unis. 1h57. Sortie le 8 juin

 

 

 

 

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