Cannes 2016 : L’ÉCONOMIE DU COUPLE / Critique

De Joachim Lafosse. Quinzaine des Réalisateurs.

Synopsis (officiel) : Après 15 ans de vie commune, Marie et Boris se séparent. Or, c’est elle qui a acheté la maison dans laquelle ils vivent avec leurs deux enfants, et c’est lui qui l’a entièrement rénovée. À présent, ils sont obligés d’y cohabiter, Boris n’ayant pas les moyens de se reloger. À l’heure des comptes, aucun des deux ne veut lâcher sur ce qu’il juge avoir apporté.

Quelques semaines après le très ambitieux LES CHEVALIERS BLANCS, inspiré de l’affaire de l’Arche de Zoé (sorti en janvier 2016), Joachim Lafosse revient à un cinéma plus modeste, mais non moins psychologique en troquant les contrées africaines pour un appartement qu’il prend pour lieu d’un drame familial. Il se joue entre un mari et une femme, parents de deux petites filles mais en passe de divorcer. S’ils habitent toujours sous le même toit, c’est que des affaires de gros sous compliquent leur séparation. Joachim Lafosse précipite la chute du couple en confinant cette famille à son foyer, dans le plus trivial des quotidiens au fil de mini-psychodrames permanents et d’inextricables désaccords. Elle est une fille de petite bourgeoisie, active ; l’autre, d’un milieu plus modeste, se bat avec son activité d’entrepreneur dans le bâtiment. Lafosse peint le portrait brutal et dépouillé d’une relation qui se délite sous des reproches mesquins, des complexes d’infériorité, des non-dits qui soudain explosent dans des éclats de voix. Les dialogues de L’ÉCONOMIE DU COUPLE claquent avec force vérité et ce que Lafosse orchestre physiquement entre les deux époux traduit avec une grande subtilité la déréliction de leur glorieux passé amoureux (la mise en scène est remarquable). Huis-clos tenu de main de maître – à l’exception, très bien justifiée, de deux scènes –, L’ÉCONOMIE DU COUPLE est une pièce supplémentaire et captivante du corpus ultra-réaliste du réalisateur belge. En revanche, si le film est en prise directe avec la société actuelle – l’intrusion de la crise financière dans l’intimité du couple – et défend un cinéma très familier et très simple, c’est au risque d’avoir l’air d’illustrer un reportage télé ou un sujet de magazine féminin. Effet de la séparation sur la sphère amicale, difficulté d’organiser une garde alternée, qui va laver le linge… La volonté d’être aussi un film sociologique nuit peut-être à l’impact émotionnel. Ce n’est pas faute d’être ébahi par la prestation puissante et désespérée de Cédric Khan, plus connu comme réalisateur (L’AVION, VIE SAUVAGE…) que comme acteur. Et pourtant, quel acteur !

De Joachime Lafosse. Avec Bérénice Bejo, Cédric Kahn, Jade Soentjens. Belgique/France. 1h38. Prochainement