Cannes 2016 : LE BGG / Critique

14-05-2016 - 15:31 - Par

Cannes 2016 : LE BGG

De Steven Spielberg. Sélection officielle, Hors Compétition.

Synopsis (officiel) : Le Bon Gros Géant (Mark Rylance) ne ressemble pas du tout aux autres habitants du Pays des Géants. Il mesure plus de 7 mètres de haut et possède de grandes oreilles et un odorat très fin. Il n’est pas très malin mais tout à fait adorable, et assez secret. Les géants comme le Buveur de sang (Bill Hader) et l’Avaleur de chair fraîche (Jemaine Clement), sont deux fois plus grands que lui et aux moins deux fois plus effrayants, et en plus, ils mangent les humains. Le BGG, lui, préfère les schnockombres et la frambouille. À son arrivée au Pays des Géants, la petite Sophie, une enfant précoce de 10 ans qui habite Londres, a d’abord peur de ce mystérieux géant qui l’a emmenée dans sa grotte, mais elle va vite se rendre compte qu’il est très gentil. Comme elle n’a encore jamais vu de géant, elle a beaucoup de questions à lui poser. Le BGG emmène alors Sophie au Pays des Rêves, où il recueille les rêves et les envoie aux enfants. Il va tout apprendre à Sophie sur la magie et le mystère des rêves…

La première image du BGG, un plan d’ensemble, dévoile un décor connu et bien réel : les rives de la Tamise et Big Ben, à Londres. La caméra se décale légèrement, s’approche du sol et enchaîne dans le même mouvement sur le deuxième plan, capturant un décor de studio suranné et visiblement irréel. En quelques secondes à peine, Steven Spielberg a exposé ses intentions : il invite à décaler nos regards, à traverser le miroir et passer de la réalité au conte. Et cette intention, il va la concrétiser sans la moindre compromission, notamment en utilisant des technologies ultra modernes – la performance capture – pour obtenir un rendu et une esthétique finale surannés, jusque dans les imperfections. La première partie du BGG s’avère presque excluante, extrême dans cette exécution, comme si le film lorgnait vers l’anachronisme, voire le franc mauvais goût. Steven Spielberg semble même presque mal à l’aise avec l’univers de Roald Dahl, tant celui-ci peut être outrancier. Pourtant, les passerelles entre les deux artistes sont là dès la première séquence : la rencontre entre Sophie et le BGG renvoie à celle entre Elliott et E.T. – la main du BGG surgissant de rais de lumière rappelant comment E.T. sortait de la cabane de jardin. Reste qu’en dépit de son avalanche d’images évocatrices et de l’émotion souvent déchirante qu’il suscite, LE BGG, avec ses scènes parfois ratées ou trop longues (celle du petit déjeuner, notamment) ou son humour maladroit, apparaît parfois bancal. Comme si Steven Spielberg ne parvenait à faire sien le mythe Roald Dahl. C’est pourtant tout le contraire… Car au-delà de ses défauts et de son caractère clivant, LE BGG se révèle passionnant et bouleversant comme objet théorique. Steven Spielberg a toujours exorcisé ses peines et névroses à l’écran mais depuis deux films, il va encore plus loin et utilise le cinéma comme miroir méta de son statut d’artiste : LINCOLN et LE PONT DES ESPIONS étaient, entre autres, des films sur l’élan de la fiction et son pouvoir de storyteller. LE BGG semble pousser cette phase à son paroxysme puisque le Bon Gros Géant du titre n’est autre que Steven Spielberg lui-même. Grâce à cette créature haute de 7,5 mètres, Spielberg dresse son autoportrait, celui d’un homme « plus gauche que droit » qui, étant enfant, fut un souffre-douleur. Il faut voir le regard poignant de peur et de tristesse du Géant quand ses congénères le martyrisent pour comprendre à quel point LE BGG vibre de sentiments très intimes et personnels. Mais au-delà d’un trauma, le Géant et Spielberg partagent le remède à leur souffrance, une résilience : ils sont des pourvoyeurs d’histoires, des alchimistes de rêves qui entendent « tout le merveilleux et tout le terrible ». Qui entendent battre les cœurs. Une magnifique scène montre qu’il suffit d’un saut dans l’inconnu pour accepter le merveilleux – et sceller un pacte éternel avec autrui. LE BGG exalte cet appel au conte et au lien. Car comme toujours chez Spielberg, derrière l’espoir réside la noirceur. Tout comme E.T., écrit lui aussi par Melissa Mathison, LE BGG est une exploration dense et cruelle des apprentissages de l’enfance : à l’instar d’Elliott, Sophie découvre que tout ce que l’on aime disparaîtra un jour. Comment y survivre ? En vivant pleinement. En rêvant. Sans les créateurs de songes, que ferait-on ?

De Steven Spielberg. Avec Ruby Barnhill, Mark Rylance, Rebecca Hall. États-Unis. Sortie le 20 juillet

 

 

 

 

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