Cannes 2016 : PERSONAL SHOPPER / Critique

17-05-2016 - 00:01 - Par

Cannes 2016 : PERSONAL SHOPPER

D’Olivier Assayas. Sélection officielle, En Compétition.

Synopsis (officiel) : Maureen, jeune américaine à Paris, n’a pas trouvé mieux pour payer son séjour que de s’occuper de la garde-robe d’une personnalité médiatique. Et d’attendre… Attendre que se manifeste l’esprit de son frère jumeau, disparu quelques mois plus tôt. Jusque-là, toute sa vie reste en suspens…

Le titre du nouveau Olivier Assayas induit en erreur : il suggère un film au bord de la comédie, un peu riche voire parvenu, ce qu’il n’est pas du tout, au contraire. Ce qui est exact, en revanche, c’est qu’il est urbain et qu’il décrit le métier qu’endosse Kristen Stewart pour les besoins de l’histoire. Déjà de SILS MARIA, l’actrice rempile chez le réalisateur français pour notre plus grande satisfaction car elle est rarement mieux dirigée que par Assayas. Grosse démonstration de sa palette de jeu ici encore alors qu’elle vous joue le trouble, l’inquiétude et la terreur sans une fois recycler ses interprétations benêtes de la saga TWILIGHT. Elle joue Maureen, une jeune femme embauchée pour fournir la garde robe d’une star, qu’elle se fasse prêter des colliers chez Cartier ou des fringues par des créateurs londoniens. Maureen a en effet été obligée de trouver une activité lucrative dans la capitale pour subvenir à ses besoins du moment : en effet, la jeune femme squatte Paris en attendant que son jumeau, mort d’un arrêt cardiaque peu de temps auparavant, se manifeste depuis l’au-delà. Maureen est médium et elle se rend dans l’ancienne maison de son frère pour convoquer son esprit. Mais le spectre qui apparaît n’a pas l’air d’être très bienveillant. Le film va dérouler le rapport violent que cette « présence » va nouer avec Maureen.

PERSONAL SHOPPER, film de deuil difficile, bien sûr. Film de fantômes évidemment. Mais surtout film d’horreur parisien. Il joue la carte du réalisme et du contemporain, refuse la patine du film d’horreur habituel qui garde l’action à bonne distance du spectateur, via une image ultrasophistiquée. Non. Assayas, lui, filme Paris comme il sait si bien le faire depuis ses débuts : avec vérité, la caméra rivée aux transports en commun ou au PMU du coin. Quartiers riches, quartiers popu : le regard que porte le metteur en scène sur la capitale n’a pas perdu de sa sincérité depuis PARIS S’ÉVEILLE. Ses personnages vont sur Youtube, communiquent par texto, sans que cette modernité ne soit jamais un frein à l’ésotérisme ambiant. L’intrusion de l’horreur est si crédible, si palpable, que la terreur est immédiate – d’ailleurs Assayas invente un compte à rebours par texto que n’auraient renié ni le ricaneur Wes Craven ni le terroriste de l’image Kiyoshi Kurosawa. Au fil du film, il enferme et corsette Kristen Stewart dans une peur bleue et pour autant libère un peu de sa dualité. Dans PERSONAL SHOPPER, on parle beaucoup d’altérité, de désincarnations, de dissociations. Alors qu’on redoutait qu’il évite soigneusement d’assumer son postulat de départ, pour opter pour la métaphore et l’atermoiement psycho-spirituel franchouillard et bourgeois, on est surpris, agréablement, de voir qu’Assayas se roule dans le film de genre sans complexe, avec ses effets visuels efficaces et un design sonore tonitruant, ses incartades sexe et sang, ses présences invisibles, ses parquets qui grincent et ses portent qui claquent. Production lo-fi, refus du spectaculaire, surnaturel du quotidien : PERSONAL SHOPPER fait aussi voler les verres et parle même de guéridons qui tournoient. De la mediumnité à l’ancienne pour un film pourtant très moderne, portée par une comédienne qui l’est tout autant. Kristen Stewart, dans ce rôle triste, apeuré et quasi-mystique, montre qu’elle peut porter un film entier avec une force et une présence admirables. Le visage, d’une beauté irréelle, de ce personnage entre-deux-mondes s’illumine au final dans un fondu au blanc énigmatique et gracieux. Le film emporte avec lui de très jolis mystères.

D’Olivier Assayas. Avec Kristen Stewart, Lars Eidinger, Sigrid Bouaziz. France. Sortie le 19 octobre

 

 

 

 

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