Cannes 2016 : THE TRANSFIGURATION / Critique

15-05-2016 - 23:30 - Par

Cannes 2016 : THE TRANSFIGURATION

De Michael O’Shea. Sélection officielle, Un Certain Regard.

Synopsis (officiel) : Queens, New York. Milo a 14 ans. Orphelin, son seul refuge est l’appartement qu’il partage avec son grand frère. Solitaire, il passe son temps à regarder des films de vampires. L’arrivée d’une nouvelle voisine fera naître en lui des sentiments inédits…

Comment faire aujourd’hui un film de vampires ? Epuisé et éculé par la saga TWILIGHT et ses dérivés, le vampire a la cote mais n’a plus rien d’horrifique. C’est au mieux une métaphore du paria, au pire une figure romantique. THE TRANSFIGURATION arrive comme une œuvre-somme, une sorte de point d’orgue de cette régénération urbaine du vampire. Chronique sanglante et mélancolique, ce premier long métrage de Michael O’Shea est évidement bien plus un teen movie qu’un pur film de vampire. Pourtant, ici pas de métaphore lourdingue ou de faux-semblant. Jamais le surnaturel n’est envisageable. Si Milo décime des gens au hasard pour leur sucer le sang, ce n’est pas une question de survie physique mais de survie psychique. La chronique urbaine, le portrait d’une Amérique larguée par le biais de cet enfant se baignant dans le sang, prend le pas sur le folklore attendu.

Déception ? Pas du tout. Parce que THE TRANSFIGURATION a gardé du vampire le meilleur : le fardeau de l’éternité. Milo est un vampire parce que bien que vivant, il est mort à l’intérieur. Ce récit d’une psychose est surtout le récit d’un deuil impossible, filmé avec âpreté et parcimonie. Sur le visage impassible du jeune Eric Ruffin passe par instant un voile noir, une tristesse infime que la rage violente et le goût du sang chassent. Cette terreur intime devient une terreur pour les autres. Milo tue, se gave de sang et de violence pour conjurer la perte. Il se maudit d’être encore en vie et cette incompréhension passe par le besoin de fiction. On pourrait reprocher au film d’accumuler tout du long les citations explicites aux films de vampires (de MARTIN de Romero à DRACULA UNTOLD, c’est dire si le spectre est large !). Ce n’est pas que le film veuille s’inscrire dans une quelconque filiation. Il cherche par contre à faire de son personnage un véritable enfant de cette culture. La fiction est devenue pour Milo un moyen de survie, une nécessité face à la mort de ses parents.

Alors, par effet de glissement, le film navigue entre ce portrait de serial killer et une mélancolie urbaine qui rappelle le meilleur du cinéma indépendant américain. Si on se serait bien passé de sursauts de la musique pour appuyer les effets, si on aurait bien ôté quelques facilités scénaristiques (le gang, la scène de deal qui tourne mal), l’ensemble dénote par l’empathie profonde du film. Il y a une façon de capter la ville, les ghettos, le quotidien morne et répétitif, l’anonymat et la déroute qui tisse quelque chose d’à la fois amer et très tendre. La réussite de THE TRANSFIGURATION tient dans l’humanité curieuse et parfois dérangeante que le film cherche à trouver dans ce personnage d’ado flippé et flippant. Si la romance adolescente aide évidemment à ramollir nos petits cœurs, son intelligence et sa façon constante de prendre les dérives de son personnage au sérieux rendent le projet bizarrement attachant. Jamais le film ne cherche à nous duper, il nous rend plutôt témoin et complice d’une dérive mentale et de son impossible guérison. C’est cette manière de prendre son personnage au sérieux, de ne jamais se moquer du genre, d’en respecter les codes, les attentes mais surtout les fondements poétique qui font de THE TRANSFIGURATION un découverte singulière.

De Michael O’Shea. Avec Eric Ruffin, Chloe Levine, Aaron Moten. États-Unis. Prochainement

 

 

 

 

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