Cannes 2016 : RESTER VERTICAL / Critique

12-05-2016 - 15:32 - Par

Cannes 2016 : RESTER VERTICAL

D’Alain Guiraudie. Sélection officielle, En Compétition.

Synopsis (officiel) : Léo est à la recherche du loup sur un grand causse de Lozère lorsqu’il rencontre une bergère, Marie. Quelques mois plus tard, ils ont un enfant. En proie au baby blues, et sans aucune confiance en Léo qui s’en va et puis revient sans prévenir, elle les abandonne tous les deux. Léo se retrouve alors avec un bébé sur les bras. C’est compliqué mais au fond, il aime bien ça. Et pendant ce temps, il ne travaille pas beaucoup, il sombre peu à peu dans la misère. C’est la déchéance sociale qui le ramène vers les causses de Lozère et vers le loup.

Qui a peur du grand méchant loup ? Sûrement pas Alain Guiraudie. Cinéaste libéré et libertaire, il a imposé de film en film une œuvre singulière, iconoclaste et joliment subversive. Son entrée en compétition se fait avec ce film-somme dont le titre sonne autant comme une déclaration d’intention qu’un autoportrait. « Rester Vertical », c’est-à-dire rester droit dans les bottes de son cinéma, assumer ses dérives, ses outrances pour en faire une matière aussi chaotique que poétique. Alain Guiraudie est un cinéaste décousu au sens le plus fort du terme : chaque séquence découd l’autre, déjoue les attentes et les petits cailloux que la fiction aurait pu semer. Ce nouveau film peut-être encore plus que les autres. C’est à une quasi autopsie de son cinéma que nous convoque le cinéaste, une sorte de Reader’s digest de ses obsessions thématiques et formelles dans un film qui se déploie comme on feuilletterait un livre de contes, un journal intime poétique.

Le génie subtil du cinéaste, c’est de filmer toujours à la lisière. Chez lui le naturalisme frôle le fantastique (une bergère, des loups, une thérapie dans un arbre) comme le trivial fricote avec le sublime. Sans oublier un goût profond pour la subversion joyeuse, d’aller là où le cinéma détourne les yeux (un accouchement face cam, une curieuse scène d’euthanasie). Odyssée incertaine et intime, RESTER VERTICAL reprend la nature absurde et verdoyante de PAS DE REPOS POUR LES BRAVES, le récit initiatique et érotique de L’INCONNU DU LAC et le collage foutraque, philosophique et politique du ROI DE L’EVASION. Pour les « guiraudiens » non avertis, les aventures de Léo font donc office de « visite guidée » plutôt habile. Mais pour les autres, la ballade prend une tournure plus émouvante. Au-delà d’un simple film best-of, ce nouvel opus est un autoportrait à peine voilé des désirs et cauchemars du cinéaste. Paternité, homosexualité, précarité, vieillesse, mort, les sujets se télescopent pour créer un magma angoissé, une sorte de paysage état d’âme, qui donne au film sa grâce mais aussi ses quelques faiblesses.

Les films de Guiraudie ont toujours été des échappées. Ici, la course fait trop volontairement du sur-place. Le réalisateur ressasse les mêmes idées en filmant les allers et retours d’un homme qui ne sait pas où trouver sa place. Cette indécision, théoriquement très belle, alourdit un peu le film. Le huis clos solaire de L’INCONNU DU LAC avait amené une rigueur qui faisait du bien à son cinéma. Les sublimes plaines vallonnées de Lozère laissent peut-être son regard et son imaginaire un peu trop dériver. Difficile de véritablement rassembler le film en une ligne directrice. On en garde plus une impression, ce dépaysement si caractéristique de son cinéma. C’est beau, étonnant, parfois trop, parfois pas assez mais c’est peut-être dans ce va-et-vient de sentiments, cette manière de tout brasser en même temps que Guiraudie trouve la constance et singularité de son cinéma ouvert constamment à l’inconnu. RESTER VERTICAL, malgré tout.

D’Alain Guiraudie. Avec Damien Bonnard, India Hair, Raphaël Thiéry. France. Sortie le 24 août

 

 

 

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