A WAR : chronique

01-06-2016 - 11:03 - Par

A WAR : chronique

Nommé à l’Oscar du meilleur film étranger, A WAR est une question morale autant qu’une leçon de sobriété.

A-War-PosterIl y a plusieurs raisons pour qu’un cinéaste se penche sur le vaste sujet de la guerre. Elle véhicule une imagerie forte
et transpire d’un tel désespoir et d’une telle horreur qu’elle est intrinsèquement visuelle et peut devenir un exercice de style. A WAR a des qualités esthétiques indéniables mais, héritier de la caméra raide et sans fioriture du Dogme, il assèche la guerre en mode quasi documentaire. Ainsi, si Tobias Lindholm en a fait le sujet de son nouveau et troisième long-métrage, c’est pour la questionner moralement. Ici, il la réduit à sa fonction la plus élémentaire : sécuriser, abattre et survivre. De cette trivialité naît une grande complexité. Qu’il s’attaque à la piraterie (HIJACKING), aux prisons (R) ou au front, Tobias Lindholm verse dans le réalisme qui pique et optimise ses récits. Une forme de cinéma sévère et nerveux, qui fait un peu la gueule certes, mais reste très humain. Au Moyen-Orient, Claus, commandant de compagnie danois, doit protéger une zone des Talibans tout en s’assurant que ses hommes restent en vie et gardent une bonne santé mentale. Une gageure quand on patrouille sur un terrain miné et qu’on tente de concilier la sécurité de la population et celle de militaires fatigués. A WAR est sous tension, jusqu’à ce que le malheur arrive. Claus prend une décision dans l’urgence et le voilà accusé de crime de guerre. Non content d’engager l’empathie du public (Claus est jeune, a une famille à qui il manque cruellement, et se débat avec de lourdes responsabilités…), Tobias Lindholm, lui, pose une simple question : la théorie des guerres est-elle adaptée à la pratique ? Il se garde bien d’apporter une réponse et préfère trousser un récit objectif, en donnant clairement les postulats et les faits, sans jamais faire de chantage au mystère et en alignant les dilemmes impossibles à résoudre et les décisions contestables. Le spectateur n’a plus qu’à se débrouiller avec ça.
A WAR est donc d’une forme très simple : il met en parallèle la guerre sur le terrain avec des scènes quotidiennes de la famille de Claus (un parti pris qui le rapproche de la structure d’AMERICAN SNIPER ou GOOD KILL) et opte pour une narration des plus chronologiques. Un modèle de simplicité et de sobriété (contrairement
à ses homologues américains) à l’image du jeu très contenu de Pilou Asbæk, garçon au physique passe-partout mais dont le seul regard – l’un des plus fascinants de sa génération – parvient
à véhiculer un tas d’émotions. Dans la famille des cinémas qui n’ont pas besoin de s’agiter pour taper juste, le Danemark s’impose encore une fois et A WAR est un cas d’école.

De Tobias Lindholm. Avec Pilou Asbæk, Søren Malling, Tuva Novotny. Danemark. 2h00. Sortie le 1er juin

4Etoiles

 

 

 

 

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