CONJURING 2 – LE CAS ENFIELD : chronique

29-06-2016 - 14:30 - Par

CONJURING 2 - LE CAS ENFIELD : chronique

Peut-être moins terrifiant que le premier volet, CONJURING 2 n’est pas un chef-d’oeuvre du cinéma d’horreur, mais un gros morceau de cinéma tout court.

Conjuring2-PosterJames Wan est un génie du cinéma d’horreur, moins par le vice de ses histoires ou ses velléités gores que par sa manière, presque théorique, de mettre le langage cinématographique au service de l’émotion. Il a une intelligence époustouflante du cadre, mais mieux, il est fin psychologue. Cette aisance indécente à jouer avec nos nerfs grâce à un tout petit mouvement de caméra, cette maîtrise totale de l’obscurité, font de lui un expert de la manipulation. Au-delà de son esprit de synthèse, qui lui permet de faire de CONJURING 2 un exemple de ce qu’est le storytelling par l’image, James Wan se permet d’inventer. De créer des vraies idées de film d’horreur que d’autres n’ont pas. D’imaginer toutes sortes de perversités. Et quand il semble coincé par le réalisme, il pioche soudain dans le baroque des contes de fées et nous plonge dans un cauchemar d’enfant. Alors que son précédent chef opérateur, John R. Leonetti (aussi réalisateur d’ANNABELLE), l’avait aidé à maîtriser la palette des ombres et la profondeur du noir, James Wan s’adjoint ici les services de Don Burgess, directeur de la photographie de Robert Zemeckis, avec qui il a bouleversé le cinéma à coups de plans improbables (CONTACT, LE PÔLE EXPRESS…). Ici, grâce au savoir-faire de Don Burgess et à l’audace de James Wan, rien n’est impossible. Dans son premier tiers, la caméra aérienne, âme d’un fantôme malveillant qui observe, emporte le film dans une grande virtuosité. Elle se faufile à travers les vitres, slalome entre les portes grinçantes d’une vieille maison anglaise, guette les moments de faiblesse d’enfants insouciants… Mais il n’y a pas que les prouesses des mouvements dans CONJURING 2, il y a aussi des partis pris sidérants : un plan fixe hanté en arrière par la colère d’un monstre flou, des allers-retours en travelling pour un cache-cache avec un fantôme… La caméra, dotée d’une âme, peut être aussi inquiète, parfois horrifiée. Et quand il ouvre son film avec les meurtres d’Amityville, revécus par une Lorraine Warren en transe, James Wan, autrefois réalisateur de DEATH SENTENCE, verse dans le polar cinglant, violent, sans scrupules, comme si Don Siegel s’était réincarné et épanoui avec les codes d’aujourd’hui. Le réalisateur de SAW emmène le cinéma d’horreur ailleurs, loin des produits adolescents modernes, au plus près des ambitions de Friedkin ou Polanski – cela implique d’accepter des lenteurs de récit, voire des ventres mous. CONJURING 2 est, bien plus que son prédécesseur, un film de possession, un film de diable plein des figures graphiques que Wan avait jusqu’alors réservées à sa franchise INSIDIOUS. En filmant des visages en furie, des monstres hurlants, il prive CONJURING 2 d’un certain mystère mais le plonge dans une effarante brutalité. Au beau milieu du chaos, Ed et Lorraine Warren, enquêteurs du paranormal confrontés à l’indicible (on rappelle qu’il s’agit d’une histoire vraie), sont les héros d’un film d’entre-deux mondes, où l’horreur surgit souvent en plein jour (magnifique), aussi réaliste que fantastique. Et si James Wan arme parfois son savoir-faire d’artisan avec des effets spéciaux, ce n’est ni dans un but spectaculaire ni pour faire du gringue aux ados, mais plutôt pour mieux taillader le visage d’une petite fille avec du verre brisé ou permettre à la foudre de s’abattre sur le bon arbre. En utilisant avec soin et délicatesse tous les outils du cinéma, tous les langages, James Wan fait un film précis, intense et lapidaire. Un film qui, comme de la sorcellerie, vous force à perdre votre regard dans le noir d’où vous guette un fantôme maléfique ou le spectre de Starsky figé sur le poster d’une petite fille possédée par le démon.

De James Wan. Avec Vera Farmiga, Patrick Wilson, Frances O’Connor. États-Unis. 2h10. Sortie le 19 juin

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