SUICIDE SQUAD : chronique

02-08-2016 - 21:07 - Par

SUICIDE SQUAD : bandeau

Pétrifié et handicapé par les critiques qui visent le DC-verse depuis quelques mois, SUICIDE SQUAD aurait mérité d’assumer davantage sa vraie nature : un film de personnages qui n’a jamais peur du ridicule.

Squad-PosterSUICIDE SQUAD est une copie émaillée d’erreurs et de maladresses. Elles sont majoritairement logées au début du film, si bien que David Ayer semble d’abord travailler aux forceps. En alignant les scènes sans se soucier de les lier et les musiques cool dans le seul but de s’afficher comme le sale gosse de l’été (« House of the Rising Sun », « Sympathy for the Devil », « You don’t own me » et autres tubes s’enchaînent façon juke-box), il ne parvient jamais à cacher que SUICIDE SQUAD est malade de son ambition : avec sa noirceur affichée (le film regroupe des anti-héros peu séduisants et des personnages ultra-cyniques) et sa profusion de personnages (il faut 20 minutes pour présenter presque tout le monde), il veut cacher qu’il est un comic book movie DC et se rêve en Marvel machine, avec ses personnages frétillants et ses inconséquences scénaristiques. Pendant une bonne demi-heure, SUICIDE SQUAD affiche un grand sourire, fait des blagues, flirte avec le méta, mais exclut complètement le spectateur. L’intrigue est confuse, les scènes sont bavardes (les explications d’Amanda Waller pour justifier la formation du Squad n’en finissent plus), la narration s’emballe au mépris de toute fluidité et de toute cohérence. On laisse l’histoire se dérouler seule en espérant que ça s’arrange et que le film cesse d’aller contre nature. Et DC Comics oblige, le film se rétablit de lui-même quand il accepte enfin sa nature profonde, ses sautes d’humeur, sa mélancolie, et quand il reconnaît que tous les personnages ne pourront pas être traités équitablement. David Ayer finit par se concentrer sur Deadshot (Will Smith), Harley Quinn (Margot Robbie) et Rick Flag (Joel Kinnaman) laissant de côté les Boomerang (Jai Courtney), El Diablo (Jay Hernandez) et autre Katana (Karen Fukuhara) qu’il n’arrive jamais vraiment à traiter. Et pourtant, il se passe quelque chose de fort, très fort, à l’écran, lorsque le Squad est formé. David Ayer est parvenu à créer un groupe comme une formule chimique dont l’intégrité et la beauté ne pourraient se passer de la moindre particule. Vendu à tort comme un film de bande, SUICIDE SQUAD est en fait mené par un trio de tête, écrit avec force nuances. Le film gagne en puissance et en subtilité lorsqu’il joue la carte sensible. Les super-vilains de SUICIDE SQUAD ont tous un dilemme intérieur qui les ronge, mais les états d’âmes de Deadshot et Quinn, ainsi que les émotions à fleur de peau de Rick Flag, élèvent SUICIDE SQUAD vers le pur « character piece », presque sentimental. C’est par ce versant-là qu’il faut l’aborder, au risque de se désintéresser de toute sa dimension comics. La force de DC, qui est aussi sa malédiction, est de ne jamais se contenter des super-héros comme personnages qui agissent dans le cadre d’une intrigue de BD mais plutôt de leur offrir une richesse intérieure qui peut, parfois, sembler complètement cul-cul. Sauf que pour une storyline peut-être un peu simplette pour El Diablo, SUICIDE SQUAD tricote une relation entre Harley Quinn et le Joker bien plus intéressante, bien plus sexy. David Ayer a pour lui de prendre son histoire au premier degré, de traiter son film avec le plus grand sérieux du monde, d’y croire encore et toujours, malgré les aberrations, malgré un vilain un peu ridicule et trop difficile à inclure dans l’univers urbain et gangsta qu’il a magnifiquement créé. Cette atmosphère unique et singulière, ces partis pris assumés, finissent par nous emporter dans un grand récit sur la rédemption. Il n’y a pas de distance de sécurité entre David Ayer et ce qu’il nous raconte, il n’y a pas de ricanement. Il y a un film, entier et généreux, qui gagne en clarté, en émotion, à mesure qu’il progresse. Si dans un premier temps, SUICIDE SQUAD se veut original voire marginal (l’erreur du marketing de Warner a été de le vendre comme un film malpoli), il finit par devenir un DC movie à la lettre. Des souvenirs et des rêves viennent heurter le récit – rappelant le drôle de chaos narratif qui avait ponctué BATMAN V SUPERMAN –, le ton se fait morose, le film avance les yeux au bord des larmes et se termine, comme chez Zack Snyder malheureusement, dans une scène d’action finale trop peu lisible et mal gaulée – mais ayant pour elle de ne pas tirer à la ligne. Cinq mois après que BVS a été éreinté en dépit de son ambition et de ses tentatives, SUICIDE SQUAD débarque avec ses choix discutables, ses erreurs et ses fulgurances. Une vraie proposition de cinéma.

De David Ayer. Avec Will Smith, Margot Robbie, Joel Kinnaman, Jared Leto. États-Unis. 2h10. En salles le 3 août

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