THE GET DOWN : série fusion ?

27-08-2016 - 20:56 - Par

THE GET DOWN : série fusion ?

En racontant, à sa manière, la naissance du hip-hop à la fin des années 70, Baz Luhrmann a créé la série la plus opératique et démesurée de l’année. Cinq mômes apprivoisent le DJing, MCing, le Graff et le Break mais THE GET DOWN fait surtout le portrait d’une époque assaillie par d’innombrables influences.

TGD1Nous sommes dans le Bronx, quatre ans après la mort de Bruce Lee et l’Amérique importe en masse des films de Hong-Kong, particulièrement populaires à New York auprès du jeune public noir et latino. Avec la Blaxploitation, les films de kung-fu sont une seconde alternative aux sempiternels héros blancs. Les deux genres se confondent parfois d’ailleurs car ils mettent en scène l’inversion des rapports de force par le combat et la résilience de l’opprimé : dans OPÉRATION DRAGON, souvent cité comme le film de chevet des Black Panthers, on découvrait d’ailleurs Jim Kelly, l’une des grandes figures de la Blaxploitation et artiste martial. Dans THE GET DOWN, les gamins parlent de STAR WARS qui vient de sortir sur les écrans américains et de son influence qui s’insinue jusque dans les quartiers les plus pauvres de New York, mais dans les veines de la série coule de manière plus organique la culture underground de l’époque. La perméabilité des arts, des styles, des genres, la mixité : voilà tout ce que raconte THE GET DOWN. Voilà tout ce qu’elle sublime.

Chia-liang Liu était l’un des réalisateurs et chorégraphes phares du studio hongkongais Shaw Brothers. Son influence sur le hip-hop est cruciale : c’est en s’inspirant notamment de ses enchaînements de mouvements et de ses combats que de jeunes New-yorkais ont créé la break dance. Des films comme LES EXÉCUTEURS DE SHAOLIN (1977) ou LA 36e CHAMBRE DE SHAOLIN (1978) sont fondateurs (plus tard, le Wu-Tang intitulera même son premier album « Enter the Wu-Tang (36 Chambers) »). Mieux, on impute aux films de kung-fu non seulement la naissance de la break mais aussi une importante désertion des gangs par des jeunes qui trouvaient en la danse un meilleur exutoire que le crime. Shaolin Fantastic, incarné par Shameik Moore dans THE GET DOWN, cristallise cette période cruciale dans les quartiers pauvres de New York. Graffeur insaisissable à l’aura mystique, Shaolin Fantastic est aussi un homme de main pour les activités criminelles de Fat Annie. Quand sous l’impulsion de Grandmaster Flash, il se tourne vers le DJing, seule la musique compte alors. Quant à l’autre héros, Ezekiel (Justice Smith), il doit choisir entre l’impact politique et sentimental du MCing et saisir les opportunités d’insertion que des cols blancs opportunistes de la Big Apple lui offrent. Mais en étant déchirés entre les bloc parties et la corruption, Shao et Ezekiel représentent cette culture naissante qui se cherche encore et qui s’appellera plus tard le hip-hop.

Exergue-GetDownLes ponts entre les faits historiques et la fiction sont très nombreux. Du blackout de juillet 1977 (déjà mis en scène dans SUMMER OF SAM de Spike Lee) à la recrudescence des incendies dans le Bronx en passant par Jackie Moreno (joué par Kevin Corrigan) inspiré par Giorgio Moroder, THE GET DOWN s’amuse avec la réalité pour la rejouer parfois de la manière la plus romanesque et artificielle qui soit. Ici, WEST SIDE STORY côtoie Spike Lee et les bruitages de western viennent ambiancer des zooms du cinéma hongkongais, le tout pour un mix grisant d’images et de sons. Ezekiel a une mère afro-américaine et un père portoricain ; sa culture est TGD3double. Rien ni personne n’a vraiment une identité unidimensionnelle dans THE GET DOWN. Les futurs leaders du peuple ne sont pas politiques, les gangsters sont des fils à maman, les mecs des gangs sont des enfants apeurés, les épouses dévouées sont adultères, les filles de pasteurs rêvent d’un disco endiablé mais doivent en passer par un disco évangéliste pour électriser les DJ gays les plus hype de New York. Les graffeurs les plus underground du Bronx découvrent le voguing avec des yeux de puceaux (la partition de Jaden Smith est l’une des plus subtiles de THE GET DOWN). Luhrmann, qui fut un temps approché pour adapter au ciné la série mythique KUNG FU, met à notre disposition les cultures éclatées de New York en une seule et même série composite mais jamais cacophonique, miroir des correspondances que ces cultures entretiennent et de l’influence qu’elles ont eue les unes sur les autres. À part l’église pentecôtiste payée avec l’argent (sale ? propre ?) de Papa Fuerte (Jimmy Smits), Baz Luhrmann n’a pas de chapelle. Il crée une grande partouze de la pop et peut-être se place-t-il là plus près de la vérité que du fantasme quand il saupoudre la culture hip-hop d’une dose de queer et la culture disco d’une dose d’ultra-violence. La première, naissante, s’émancipera et s’enrichira en gloutonnant encore d’autres cultures (la série ne crée pas de faux suspense autour de la success story d’Ezekiel), la seconde est vouée deux ans plus tard à agoniser sous les slogans lapidaires « Disco sucks ». Sous ses airs d’opéra 70’s ultra romancé, THE GET DOWN atteint une vérité plus impalpable : celle d’une époque de transition et d’une culture en mutation.

THE GET DOWN. Sur Netflix

 

 

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