Cannes 2017 : THE FLORIDA PROJECT / Critique

23-05-2017 - 13:38 - Par

Cannes 2017 : THE FLORIDA PROJECT

De Sean Baker. Quinzaine des Réalisateurs.

Synopsis officiel : Moonee a 6 ans et un sacré caractère. Lâchée en toute liberté dans un motel de la banlieue de Disney World, elle y fait les 400 coups avec sa petite bande de gamins insolents. Ses incartades ne semblent pas trop inquiéter Hally, sa très jeune mère. En situation précaire comme tous les habitants du motel, celle-ci est en effet trop concentrée sur des plans plus ou moins honnêtes pour assurer leur quotidien…

Révélé avec TANGERINE, odyssée transgenre ultra contemporaine filmée au téléphone portable, Sean Baker revient avec un film en apparence plus sage. En apparence, dirons-nous. Car THE FLORIDA PROJECT réaffirme haut et fort la singularité et la poésie brûlante, urgente et dérangeante de son auteur. Fasciné par l’Amérique trash, l’Amérique déclassée, celle qui erre sur les bords des autoroutes, Baker aime les microcosmes déglingués. En posant sa caméra aux abords de Disney World en Floride, en bordure du temple de l’enfance et de la consommation, il nous embarque dans une odyssée enfantine dont l’énergie contagieuse n’efface jamais le propos social. Comme des explorateurs contemporains, Moonee et ses copains transforment la désolation de ces baraquements décrépis, ces hôtels miteux, ces terrains vagues en friche en un immense terrain de jeu, un parc d’attraction à bêtises. L’effet est alors étrange. Energique, ludique, vraiment drôle, le film n’efface jamais la misère, la dureté et la laideur de ce monde décati. Baker sature ainsi l’image de couleurs criardes comme la métaphore habile de ce monde faussement joyeux. Mais quelque chose résiste, quelque chose d’une tristesse infinie parcourt les lignes de fuite de ce cinéma politique. Comme dans TANGERINE, le swing de la parole a ici une importance énorme. Celui des adultes bien sûr, des personnages de mères célibataires, nourricières, vulgaires, aimantes et hystériques qui s’insultent, hurlent ou éclatent de rire dans un tonitruant vacarme. Mais aussi les enfants dont les cris sont eux beaucoup plus légers, joyeux, inventifs. THE FLORIDA PROJECT est quasiment un film sonore, un film de brouhaha permanent, immersif et épuisant. C’est toute la force et la limite du film. Virevoltant et épuisant, THE FLORIDA PROJECT c’est AMERICAN HONEY façon DENIS LA MALICE. Du Bill Douglas pop et trash. Soit une union des contraires, une ambition grandiose traitée par l’infime et le ludique qui ne fonctionne qu’au charme. Casse-gueule dans son propos, THE FLORIDA PROJECT fonctionne par l’honnêteté du regard de Baker. Jamais condescendant, toujours à la bonne hauteur, il semble lui-même avoir trouvé sa place dans ce monde étrange. Un peu trop étiré, un peu trop répétitif, le film finit hélas par un tout petit peu s’épuiser dans son dernier tiers. Heureusement, une fin magique, magnifique, vient relever d’une touche de douceur terriblement émouvante cette chronique d’un monde fracassé que seule la naïveté de l’enfance préserve. Continuer à jouer, à s’amuser pour éviter de pleurer.

De Sean Baker. Avec Bria Vinaite, Brooklyn Prince, Willem Dafoe. 1h55. Prochainement

 

 

 

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