Cannes 2017 : LE REDOUTABLE / Critique

21-05-2017 - 17:18 - Par

Cannes 2017 : LE REDOUTABLE

De Michel Hazanavicius. Sélection officielle, compétition.

Synopsis officiel : Paris 1967. Jean Luc Godard, le cinéaste le plus en vue de sa génération, tourne LA CHINOISE avec la femme qu’il aime, Anne Wiazemsky, de 20 ans sa cadette. Ils sont heureux, amoureux, séduisants, ils se marient. Mais la réception du film à sa sortie enclenche chez Jean-Luc une remise en question profonde. Mai 68 va amplifier le processus, et la crise que traverse Jean-Luc va le transformer profondément passant de cinéaste star en artiste maoiste hors système aussi incompris qu’incompréhensible. Entre hommage et grand détournement des films de la Nouvelle Vague par Michel Hazanavicius : LE REDOUTABLE est une histoire d’amour, une comédie pop qui raconte la bascule d’un des plus grands cinéastes de notre temps.

On attendait beaucoup de ce simili biopic sur JLG par le papa d’OSS. Le roman autobiographique d’Anne Wiazemsky (actrice et compagne de, à l’époque) adapté ici, possède un charme fou. Avec un mélange de fausse naïveté et d’énergie primesautière, la romancière radiographiait la France de mai 68 et dépeignait Godard en grand échalas, génial et pathétique, un peu paumé face aux mouvements de l’Histoire. Un roman léger et pertinent sur la fin d’une époque et d’un amour qu’on imaginait parfait pour le roi du pastiche à la française. Habile faiseur, Michel Hazanavicius était de taille à titiller la légende et s’amuser avec LE piédestal de la cinéphilie française. LE REDOUTABLE laisse à l’arrivée une tiède impression. Difficile de détester profondément le film. Le réalisateur de THE ARTIST redouble d’efforts, multiplie les citations godardiennes, les clins d’œil et les petits effets. Les exégètes attentifs et les amoureux du cinéma « coup de coude » en auront pour leur argent. Mais pourquoi rien ne décolle-t-il vraiment ? Tout simplement parce que la fantaisie et le dilettantisme du Godard 60’s, qu’Hazanavicius cherche à reproduire, se transforme ici en petite boîte à outils de pubard. Laborieux, le pastiche devient pâle copie et accumulation de petits trucs, de petits effets clinquants et rigolards, sans âme ni fraîcheur. L’irrévérence ne supporte pas l’effort. À chaque scène, chaque petite idée (montage décalé, filtres, citations), on a l’impression de voir Hazanavicius suer sang et eau pour avoir l’air aussi désinvolte que son modèle. Manquant cruellement de swing, la comédie tombe alors autant à plat que le mélo. Trop occupé à vouloir « faire son malin », le réalisateur en oublie de donner un peu de corps à son récit et ses personnages. Rien n’existe vraiment à l’écran, tout est comme à la fois désincarné (par l’ironie, le second degré) et hyper lourd (la reconstitution clinquante, les gags d’arrière-plan qui prennent toute la place). Le pastiche a un mauvais goût d’ersatz coupé à l’eau. De la passionnante dégringolade de Godard ne reste qu’une série de petites vignettes vaguement mignonnes, sans réel grand intérêt. C’est bien dommage parce qu’il y a dans le foisonnement d’idées d’Hazanavicius de bonnes choses qui auraient pu faire à elles seules un très bon film. Notamment, dans de trop rares moments, où il filme Godard comme un personnage à la Blake Edwards et laisse simplement la puissance comique de Louis Garrel faire le travail. La vraie force du REDOUTABLE, c’est lui. Le film, plus tenu et plus humble, aurait donc atteint des sommets. Là, on se contentera d’une vague démonstration de force qui voit, hélas pour Hazanavicius, la grâce singulière des Godard 60’s triompher par K.O.

De Michel Hazanavicius. Avec Louis Garrel, Stacy Martin, Bérénice Bejo. France. 1h47. Sortie le 13 septembre

 

 

 

 

 

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