Cannes 2017 : EL PRESIDENTE / Critique

24-05-2017 - 16:32 - Par

Cannes 2017 : EL PRESIDENTE

De Santiago Mitre. Sélection officielle, Un Certain Regard.

Synopsis officiel : Au cours d’un sommet rassemblant l’ensemble des chefs d’état latino-américains dans un hôtel isolé de la Cordillère des Andes, Hernán Blanco, le président argentin, est rattrapé par une affaire de corruption impliquant son gendre. Alors qu’il se démène pour échapper au scandale qui menace sa carrière et sa famille, il doit aussi se battre pour des intérêts politiques et économiques à l’échelle d’un continent.

Dans un entretien qu’il accorde à une journaliste espagnole, le président brésilien – personnage secondaire d’EL PRESIDENTE –, assure que « les métaphores ont fait beaucoup de mal » à l’Amérique du Sud. Le réalisateur Santiago Mitre, bien qu’il tente de mettre sur pied un thriller plutôt frontal et linéaire, aurait dû réfléchir plus longuement à cette ligne de dialogue qu’il a lui-même écrite. Car son troisième long-métrage pâtit non pas de métaphores per se, mais d’un excès de circonvolutions cherchant à entourer de mystères inutiles son récit et son propos. Tout commence pourtant bien, avec une présentation alerte et pragmatique des enjeux et des personnages. Mitre, avec son sens toujours aussi assuré du cadre et de la direction d’acteurs, propose une introduction vive où une caméra en perpétuel mouvement traverse les coursives d’un palais présidentiel, passe d’un personnage à un autre avec aisance, retranscrit en douceur et de manière imagée le caractère tentaculaire du pouvoir. Comment un homme ou une femme peut garder son identité et sa singularité lorsqu’une foule est à son service et à son conseil ? EL PRESIDENTE prend son temps et attend plusieurs minutes avant de présenter Hernan Blanco, son « président normal » campé par un Ricardo Darín formidable (pléonasme). EL PRESIDENTE confronte son protagoniste – un homme du peuple que personne ne croit cultivé, que d’aucuns accusent de mollesse voire de transparence – à des enjeux multiples : une possible accusation de corruption liée à son gendre et un sommet énergétique vital pour le futur de l’Amérique du Sud. Dans ses trois premiers quarts d’heure, EL PRESIDENTE parvient, sans être laborieux, à imbriquer l’humain et le politique, le public et le secret, l’ambition et la réalité. Il expose même parfaitement ses enjeux diplomatico-politiques, rendant intelligibles des problématiques complexes. Santiago Mitre abandonne malheureusement cette ligne claire en cours de route : peu à peu, l’intrigue intime centrée sur la fille de Blanco prend le dessus et dissout le tissu du récit. Scènes redondantes, non-dits maladroits et transparents se multiplient… Certaines intrigues sont diluées au point de devenir accessoires. Un déséquilibre qui nuit à l’entremêlement de l’intime et du politique – alors que le premier est censé éclairer le second –, au rythme de la narration et à sa justesse. EL PRESIDENTE, à trop vouloir avancer masqué, sombre dans l’évidence tant son propos se révèle au final d’une grande facilité. Loin, bien loin, de l’indétrônable modèle récent du genre, L’EXERCICE DE L’ÉTAT.

De Santiago Mitre. Avec Ricardo Darin, Dolores Fonzi, Elena Alaya, Erica Rivas. Argentine/Espagne. 1h53. Prochainement

 

 

 

 

 

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