Cannes 2017 : TWIN PEAKS / Critique

27-05-2017 - 18:44 - Par

Cannes 2017 : TWIN PEAKS

De David Lynch. Sélection officielle, événements 70e anniversaire.

Synopsis : 25 ans après la mort de Laura Palmer, retour à Twin Peaks, petite ville côtière américaine. Qu’est devenu l’Agent Dale Cooper depuis qu’il est entré dans la Red Room ?

ATTENTION, SI VOUS VOULEZ GARDER LA SURPRISE TOTALE SUR LES 4 PREMIERS ÉPISODES, CE PAPIER CONTIENT QUELQUES (MINCES) SPOILERS !

Un parquet zébré. De lourds rideaux rouges. Et Laura Palmer, inchangée, qui annonce « Je vous reverrai dans 25 ans… » Et voilà que nous y sommes. Vingt-cinq ans ont passé depuis la fin de la saison 2 – Vingt-six, en vérité, mais tout le monde semble vouloir jouer le jeu, alors n’en faisons pas toute une histoire. Les séries télé ont pris le pouvoir sur l’imaginaire de la terre entière, occupant réseaux sociaux, conversations et attirant/recyclant réalisateurs et acteurs venus du grand écran.

Alors, ça fait quoi de retourner un quart de siècle après sur les traces de Laura Palmer et de l’agent Dale Cooper ? Qu’est-ce que David Lynch, dieu vivant du cinéma à la fin du siècle dernier, quasiment disparu depuis, espère trouver dans cette nouvelle exploration de la loge noire ? Lui qui semblait dire après la saison 2 et l’échec de sa création comique – et ratée – « On the air » qu’il ne remettrait plus les pieds à la télévision ? En quatre épisodes, dont seulement les deux premiers ont été présentés au Festival de Cannes, difficile de répondre à toutes les questions que ce come-back inespéré et étrange peut bien poser. Néanmoins, on peut déjà y voir quelques pistes à suivre, quelques fils à démêler.

D’abord, à l’heure où la fabrique audiovisuelle mondiale n’aime rien mieux qu’adapter, réadapter, transposer, TWIN PEAKS le montre dès ses premiers images : la saison 3, THE RETURN, comme cette saison s’appelle en VO, sera bien difficile à classer, tant elle se situe d’emblée quelque part entre la suite, le spin-off et le reboot. Certains personnages reprennent du service, au premier rang desquels se trouve Dale Cooper, maintenant divisé en deux (en trois ?) entités distinctes. Mais la série semble aussi largement se renouveler, en s’ouvrant sur de nouveaux horizons, de nouveaux lieux et de nouveaux enjeux.

Le matériau de base est tellement culte que les producteurs/créateurs David Lynch et Mark Frost pouvaient facilement se faire piéger par un fan-service facile, par une succession de clins d’œil qui auraient alourdi la narration. Et si Lynch lance bien quelques regards entendus du côté des spectateurs, ils sont toujours suffisamment légers ou détournés pour que l’exercice ne semble pas scolaire. C’est même profondément émouvant de retrouver ces silhouettes vieillies, de voir que les premiers épisodes sont tous dédiés à des comédiens morts, certains après avoir eu le temps de filmer quelques scènes, comme Miguel Ferrer.

Surtout, ces quatre épisodes s’imposent rapidement comme un matériau étrange. Ce n’est pas du film. Ce n’est pas vraiment de la télé. Ce n’est pas non plus un court métrage expérimental de Lynch, comme il les mettait à disposition autrefois sur son site internet. TWIN PEAKS saison 3, c’est tout ça à la fois. Lent – ceux qui ne connaissent pas le faux rythme lynchien risquent d’être surpris –, troublant, inquiétant. Insaisissable. Difficilement critiquable. Et donc totalement fascinant. À l’image de ces séquences, « Lost Highway-esques », où un personnage est payé pour regarder une boîte de verre vide, attendant désespérément qu’il s’y passe quelque chose. Ce jeune homme, c’est nous, devant notre télé. Et David Lynch, c’est à coup sûr ce démon blanc, tremblant et insaisissable qui vient nous ronger le cerveau. Comment vouloir en rester là ?

De David Lynch. Avec Kyle Maclachlan, Sheryl Lee, Sherilyn Fenn. États-Unis. Sur Canal+ à partir du 22 mai

 

 

 

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