Cannes 2017 : THE MEYEROWITZ STORIES / Critique

21-05-2017 - 23:09 - Par

Cannes 2017 : THE MEYEROWITZ STORIES

De Noah Baumbach. Sélection officielle, compétition.

Synopsis officiel : Le récit intergénérationnel d’une fratrie en conflit, rassemblée autour d’un père vieillissant.

D’aucuns pourraient reprocher à Noah Baumbach de creuser de manière répétitive son sillon de cinéma new-yorkais, cultivé, porté sur la réplique claquante et une certaine élégance de la mélancolie. Sauf qu’à travers ce processus d’affirmation de son identité, Baumbach prouve qu’il serait bien paresseux de le limiter à un univers snob, sorte de pendant pop-hipster de Woody Allen. Avec THE MEYEROWITZ STORIES, l’ancien scénariste de Wes Anderson s’impose avec une assurance qui lui permet de signer son meilleur film, cocktail alerte et maîtrisé de la tristesse familiale des BERKMAN SE SÉPARENT, de l’ironie inquiète de GREENBERG et de l’énergie dévastatrice de FRANCES HA – ses trois opus les plus marquants jusqu’à présent –, la pop music en moins, le réalisateur ayant préféré commander un score au final très décevant, générique et invasif, à Randy Newman. En s’attardant sur une famille recomposée tyrannisée depuis 40 ans par les états d’âme du patriarche, un sculpteur oublié par la postérité, Baumbach parvient à une symbiose parfaite entre drame et comédie. Nourri par son regard quotidien – relayé par une image joliment granuleuse –, où l’on caractérise des personnages en faisant rire avec des anecdotes de la vie comme un créneau laborieux ou un caniche envahissant, THE MEYEROWITZ STORIES atteint même une jolie universalité avec des personnages au final profondément banals, à la limite de la trivialité. La richesse du film et l’efficacité de la comédie, souvent hilarante, vient d’eux, tous victimes de leur milieu – familial et/ou professionnel. À ce titre, le portrait que dresse Baumbach du monde de l’art contemporain, machine à déception et à humiliation, se révèle plus tristement cruel qu’acide, bien plus juste et nuancé – car centré sur l’humain et ses sentiments – que celui de THE SQUARE, lui aussi présenté en compétition à Cannes. Surtout, Baumbach signe son script le plus rigoureux, fait d’ellipses judicieuses et d’un regard composite dont chaque point de vue éclaire les autres. À mesure que l’on connaît mieux Danny (Adam Sandler), les fêlures et colères de Matthew (Ben Stiller) ou Jean (la surprenante Elizabeth Marvel) se font plus claires, et réciproquement. Une structure en chapitres mise en valeur par le montage très affirmé de Jennifer Lame (déjà aux commandes de MANCHESTER BY THE SEA, peut-être le montage le plus marquant de 2016), fait de juxtapositions rigolotes, de coupes brutales ou d’accumulations dynamiques de courtes saynètes agissant comme des centrifugeuses narratives. Collé à ses acteurs qu’il filme avec amour dans de beaux gros plans s’attardant sur leur mines contrites ou combattives, Baumbach maîtrise ici plus que jamais une ironie tendre et féroce, véritable vecteur d’humanisation – les sorties acariâtres de Dustin Hoffman, aussi désagréables que drôles, en disent long sur la colère refoulée de son personnage, par exemple. Les acteurs se saisissent ainsi du texte avec appétit, parvenant à s’offrir pleinement à l’univers de Baumbach tout en gardant l’identité qu’on leur connaît. Dans ce jeu de massacre où la difficulté à trouver sa place entre attentes familiales et espoirs personnels paralyse, la prestation d’Adam Sandler, boule de nerf clopinant littéralement pour s’en sortir, se révèle d’une humanité très touchante. Ne serait-ce que pour ses regards tristes ne se permettant plus l’espoir et pour l’alchimie délicate qui le lie à la jeune Grace Van Patten (qui incarne sa fille), THE MEYEROWITZ STORIES mérite les honneurs.

De Noah Baumbach. Avec Ben Stiller, Adam Sandler, Dustin Hoffman, Emma Thompson. États-Unis. 1h50. Prochainement sur Netflix

 

 

 

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