LAISSEZ BRONZER LES CADAVRES : chronique

18-10-2017 - 09:39 - Par

LAISSEZ BRONZER LES CADAVRES : chronique

Les fabuleux auteurs d’AMER reviennent pour un trip orgasmique façon western sous acide, brutal et cosmique.

Les Cattet/Forzani ne font pas des films comme tout le monde. Quiconque s’est déjà perdu dans les dédales d’AMER ou de L’ÉTRANGE COULEUR DES LARMES DE TON CORPS sait qu’il faut laisser sa raison à l’orée de leur cinéma. Purement figurales, conçues comme une succession de chocs et d’effets, leurs œuvres produisent des sensations épidermiques comme on en voit peu. D’où le risque d’un rejet total – parfaitement compréhensible – d’une partie du public en quête d’expériences plus cartésiennes. Si vous osez pénétrer chez les Cattet/Forzani, il va falloir vous laisser faire. Ouvrez grands les yeux, vous n’en reviendrez pas. LAISSEZ BRONZER LES CADAVRES commence par un coup de feu. Un « Bang » inaugural comme l’annonce du début du feu d’artifice. Pourtant, les connaisseurs peuvent être déroutés. Soudain, il fait jour chez les Cattet/Forzani. D’ordinaire sombre et tortueux, leur cinéma est ici écrasé par le soleil corse, tandis que les lignes de fuite filent vers l’horizon azur de la mer. Mais si tout irradie, tout finit forcément par aveugler. À commencer par cet or clinquant très convoité au cœur de cette libre adaptation du roman de Jean-Patrick Manchette. Avec l’économie de dialogues qui leur est chère, le duo refaçonne sur écran l’univers torve des gangsters boiteux du romancier culte. Tout passe par la caméra virtuose, qui souligne et surligne à coups de panoramiques dingos et de zooms incontrôlables les enjeux d’un braquage qui tourne mal. On s’y perd un peu forcément (qui est qui, qui fait quoi) mais c’est tout le plaisir de ce cinéma trip qui pousse tous les curseurs au maximum. Troué de visions hallucinatoires stupéfiantes, le film progresse dans une décharge quasi continue de violences et d’excès, d’inventions graphiques et de distorsion de l’image, pour atteindre cette « petite mort », cet orgasme des sens qui les obsède. Du cinéma de l’extase qui croise Eros et Thanatos, conjugue le bruissement des corps qui se frôlent et le fracas des crânes explosés. C’est physique, chimique même parfois, tant les images semblent s’imprimer en nous plus vite qu’on ne peut les comprendre. Moins tortueux et nébuleux que L’ÉTRANGE COULEUR, LAISSEZ BRONZER… n’en est donc pourtant pas moins épuisant. C’est la limite de ce cinéma expérimental qui, sur la durée d’un long-métrage, demande que l’on reprenne son souffle et ses esprits. Un peu trop intransigeant, le duo gagnerait à ralentir le rythme et à orchestrer des pauses plus narratives. Mais le plaisir fou, pris ici, à se cramer la rétine devant ce long bouquet final pétaradant, est suffisamment rare et précieux pour qu’on s’abandonne au pur plaisir des images.

De Hélène Cattet et Bruno Forzani. Avec Elina Löwensohn, Stéphane Ferrara. France/Belgique. 1h30. Sortie le 18 octobre

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