Cannes 2018 : LES MOISSONNEURS / Critique

14-05-2018 - 23:41 - Par

Cannes 2018 : LES MOISSONNEURS

D’Etienne Kallos. Sélection officielle, Un Certain Regard.

 

Synopsis officiel : Afrique du Sud, Free State, bastion d’une communauté blanche isolée, les Afrikaners. Dans ce monde rural et conservateur où la force et la masculinité sont les maîtres-mots, Janno est un garçon à part, frêle et réservé. Un jour, sa mère, fervente chrétienne, ramène chez eux Pieter, un orphelin des rues qu’elle a décidé de sauver, et demande à Janno de l’accepter comme un frère. Les deux garçons engagent une lutte pour le pouvoir, l’héritage et l’amour parental.

 

Habitué des ateliers, des programmes et des fondations des festivals du monde entier, Etienne Kallos réalise son premier long-métrage comme s’il en avait déjà une demi douzaine sous le pied. Ce réalisateur sud-africain, aux origines grecques, déroule un cinéma personnel avec un aplomb insolent, comme s’il était à prendre ou à laisser. C’est sans peur, sans timidité, qu’il pose sa caméra chez les Afrikaners du Free State, sorte de « Bible Belt » de l’Afrique du sud. Plus particulièrement chez une famille d’agriculteurs qui vit dans la peur d’être assassinée comme de nombreux fermiers afrikaners l’ont été. Très pieuse, la mère décide d’adopter un jeune junkie orphelin, Pieter, et exige de son fils Janno qu’il fasse de cet étranger son frère. Janno est un adolescent sage, obéissant, veillant scrupuleusement sur ces terres qui un jour seront les siennes. L’arrivée de ce frère va compromettre sa place dans la famille, alors même que chez les fermiers afrikaners la notion de territoire, d’appartenance, est primordiale. Comme dans une tragédie grecque qui menace de finir en bain de sang, la jalousie, la haine, la passion et le rejet rythment des relations extrêmement complexes, d’autant plus intéressantes ici que le film se déroule en terrain fertile mais hostile, totalement isolé, comme coupé du monde. Etienne Kallos déboule dans le panorama mondial fort d’une évidente envie d’en découdre avec le côté obscur du genre humain. Non seulement il est fin psychologue du rapport quasi guerrier entre le groupe et l’individu, mais il illustre ses démonstrations par un cinéma d’une beauté formelle folle. Certes – et c’est là qu’on voit que c’est un premier long, encore un peu prisonnier de ses influences – il filme les champs de maïs et récite des psaumes comme un wannabe Terrence Malick, mais c’est plutôt le travail de son chef opérateur polonais Michal Englert qu’on a envie de souligner. La photo laiteuse, aux blancs cramés, cette magnifique lumière aurorale que la brume diffuse, ces couleurs fumées… voilà qui rappelle le travail d’Adam Arkapaw, chef opérateur attitré de Justin Kurzel, plus particulièrement sur le sublime MACBETH mais en moins dur et en plus opalin. S’y trimballent deux adolescents aux peaux diaphanes, aux énergies radicalement différentes et aux mélancolies étrangement jumelles. C’est une plongée dans une culture méconnue, retorse et crépusculaire d’accord, mais aussi dans la psyché d’adolescents en quête d’identité. La section cannoise Un Certain Regard porte rarement aussi bien son nom.

D’Etienne Kallos. Avec Brent Vermeulen, Alex van Dyk, Juliana Venter. Afrique du Sud. 1h44. Sortie le 13 février 2019

 

 

 

 

 

 

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