Cannes 2018 : PLAIRE, AIMER ET COURIR VITE / Critique

10-05-2018 - 21:35 - Par

Cannes 2018 : PLAIRE, AIMER ET COURIR VITE

De Christophe Honoré. Sélection officielle, Compétition.

 

Synopsis officiel : 1990. Arthur a vingt ans et il est étudiant à Rennes. Sa vie bascule le jour où il rencontre Jacques, un écrivain qui habite à Paris avec son jeune fils. Le temps d’un été, Arthur et Jacques vont se plaire et s’aimer. Mais cet amour, Jacques sait qu’il faut le vivre vite.

 

Depuis ses débuts avec les très radicaux 17 FOIS CÉCILE CASSARD ou MA MÈRE et le très Nouvelle Vague DANS PARIS, le cinéma de Christophe Honoré catalyse pour certains un cinéma d’auteur français lettré et maniéré. On n’essaiera pas ici de convaincre les détracteurs. Oui, Honoré a un style, oui, Honoré fait du cinéma sous l’influence des livres et des films qu’il aime ; on retrouve tout ça dans PLAIRE, AIMER ET COURIR VITE. Un générique godardien au montage cut, de (trop ?) longues digressions littéraires, une certaine théâtralité, une bande son façon playlist intime, des scènes de danse… Mais tout semble presque plus accessible qu’avant, plus posé, moins poseur comme si Honoré osait enfin s’imaginer comme un cinéaste populaire. On l’imaginait Godard mais il rêve d’être Truffaut. Fresque romantique dans la France des années 1990, PLAIRE, AIMER… croise la trajectoire de deux hommes, l’un à l’orée de sa vie amoureuse (Vincent Lacoste), l’autre à la fin (Pierre Deladonchamps). Mais, s’ils vont s’aimer, c’est finalement d’assez loin. Ce n’est pas tant le couple et la romance que filme Honoré que le miroir déformant que l’un et l’autre se renvoient.

Film de drague, film de conversation (toute la culture gay des 1990’s passe par les dialogues), PLAIRE, AIMER… marque la rencontre entre l’énergie folle des promesses et la tristesse des certitudes, l’indécision joyeuse et la mort qui rôde, l’amour et l’amitié. C’est peut-être ce qui peut décevoir un peu : on espérait un grand mélo et c’est en fait un puzzle, un film disparate, tantôt léger et sautillant, parfois plombé et mortifère. À chaque fois que Lacoste apparaît à l’écran, le film s’illumine. Son jeu nonchalant trouve avec les mots d’Honoré une drôlerie et une émotion juvénile renversantes. Il est la vie même. Forcément, dès qu’il disparaît de l’écran pour laisser place au récit de son amant mourant, la transition est rude. Pourtant, la partie Thanatos est belle, plus appuyée peut-être, plus convenue aussi – la faute, involontaire évidemment, à 120 BPM auquel on pense irrépressiblement – et offre à Deladonchamps un superbe rôle grave. On ne ressent finalement l’ampleur et la beauté du film qu’a posteriori, percevant alors toute la puissance émotionnelle de voir ces énergies contradictoires filmées ensemble d’un même élan. C’est la force et la limite d’une composition abstraite et ambitieuse. Comme s’il enterrait la part sombre de son cinéma, Honoré, comme Guadagnino avec Timothée Chalamet (CALL ME BY YOUR NAME), pourrait faire de Vincent Lacoste son Doisnel et de PLAIRE, AIMER… les débuts d’une saga pleine de vie.

De Christophe Honoré. Avec Vincent Lacoste, Pierre Deladonchamps, Denis Podalydès. France. 2h12. Sortie le 10 mai

 

 

 

 

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