Cannes 2018 : LES ÉTERNELS / Critique

11-05-2018 - 23:03 - Par

Cannes 2018 : LES ÉTERNELS

De Jia Zhang-ke. Sélection officielle, Compétition.

 

Synopsis officiel : En 2001, la jeune Qiao est amoureuse de Bin, petit chef de la pègre locale de Datong. Alors que Bin est attaqué par une bande rivale, Qiao prend sa défense et tire plusieurs coups de feu. Elle est condamnée à cinq ans de prison. A sa sortie, Qiao part à la recherche de Bin et tente de renouer avec lui.  Mais il refuse de la suivre. Dix ans plus tard, à Datong, Qiao est célibataire, elle a réussi sa vie en restant fidèle aux valeurs de la pègre. Bin, usé par les épreuves, revient pour retrouver Qiao, la seule personne qu’il ait jamais aimée.

 

« Tout ce qui brûle à haute température se purifie », explique Qiao à son compagnon Bin dans le premier acte des ÉTERNELS. Des mots qui ne laissent aucun doute : ici, la passion va animer le récit, va déchirer les êtres, pousser les amoureux dans leurs retranchements, les rapprocher furieusement et les éloigner dans les cris et les larmes. Le mélodrame, genre brûlant par excellence, où le temps efface (purifie ?) tout, va l’emporter. Vœu pieux. Rarement aura-t-on vu Jia Zhang-ke aussi atone, aussi amorphe, comme anémié, si bien que LES ÉTERNELS apparaît davantage défini par une autre réplique lancée par Qiao : « Les gens de la pègre tournent toujours autour du pot. » Visiblement, le pot affiche ici une circonférence de fort beau gabarit tant Jia tâtonne et accumule les longues scènes étirées plus que de raison. Quelques-unes superbes, certes – une rupture dans une chambre d’hôtel, une baston de rue dont on aurait aimé que l’incroyable énergie contamine le reste du récit – mais dont la plupart apparaissent bégayantes, voire parfois vides de toute réelle substance dramatique palpable. Mais le plus surprenant dans ces ÉTERNELS reste cette impression désagréable d’avoir déjà vu ça mille fois, en mieux. Y compris chez Jia, d’ailleurs. LES ÉTERNELS partage en effet nombre de points communs avec son précédent long, déjà présenté à Cannes, AU-DELÀ DES MONTAGNES : une structure en trois segments, des changements de format (ici, du 1.33 au 1.85), des amoureux qui se cherchent, les jaillissements de l’absurde et du comique, la chanson pop un peu ring’ (ici, « YMCA » des Village People), la volonté du mélodrame, l’arrière-plan sociétal – ici, les changements d’urbanisme de la Chine comme dynamiteurs des vies – et bien évidemment, l’actrice Tao Zhao. Sauf que là où AU-DELÀ DES MONTAGNES proposait une expérience brûlante de vie, jamais avare en larmes, en souffle et en passion, LES ÉTERNELS se déroule sur une seule et unique note monocorde – jusque dans son esthétique, dont la photo d’un terne déprimant ne ménage que de rares moments stupéfiants, nocturnes pour la plupart. Menu Best Of Jia Zhang-ke, LES ÉTERNELS ? Pas vraiment puisque, si on retrouve ici des figures de son cinéma, celui-ci apparaît asséché, en circuit fermé. Plutôt que de regarder le décalque délavé, préférer l’original.

De Jia Zhang-ke. Avec Tao Zhao, Fan Liao, Xiaogang Feng. Chine. 2h21. Sortie le 26 décembre

 

 

 

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