Cannes 2018 : UN GRAND VOYAGE VERS LA NUIT / Critique

15-05-2018 - 16:25 - Par

Cannes 2018 : LONG DAY’S JOURNEY INTO NIGHT

De Bi Gan. Sélection officielle, Un Certain Regard.

 

Synopsis officiel : Quelque part en Chine, un homme revient chez lui, après 12 ans d’exil, pour retrouver la femme qu’il a aimée. Elle disait s’appeler Wan Quiwen.

 

En 2017, il y avait eu le huitième épisode de la troisième saison de TWIN PEAKS. En 2018, il y aura UN GRAND VOYAGE VERS LA NUIT du réalisateur chinois Bi Gan. Il y a dans ce film le même ADN que chez Lynch : un appel au ressenti, que le cinéaste espère déclencher avec sa virtuosité technique, son génie pictural, avec des images très soigneusement composées, révélant un monde de couleurs et de textures – y compris sonores. Cela ne fait aucun doute : UN GRAND VOYAGE VERS LA NUIT est une splendeur de chaque instant à regarder et à écouter – de son premier plan « impossible » reliant deux décors radicalement différents, dans deux perspectives différentes, à ces scènes nocturnes éclairées avec un soin incroyable. Trip onirique sur la mémoire, le souvenir, le rêve et la place de l’âme humaine dans le processus, mais aussi sur la puissance de l’imaginaire – un très beau moment dans une salle de cinéma où le film interagit avec le spectateur – UN GRAND VOYAGE VERS LA NUIT cultive son étrangeté et se veut aussi apathique, éthéré et bizarre qu’un rêve éveillé. Malheureusement, le film finit très rapidement par être cannibalisé par sa virtuosité technique et visuelle. Alors que le cinéaste maîtrise et contrôle à la perfection ses outils, et alors aussi qu’il vise le ressenti du spectateur plus que sa compréhension, le cinéaste se révèle incapable de raconter son histoire uniquement avec ses images et tartine son récit d’interminables voix off et dialogues contant des situations que l’on ne nous montre jamais, concernant des personnages que l’on ne nous a jamais présenté. Si UN GRAND VOYAGE VERS LA NUIT s’était contenté de l’abstraction – comme Lynch dans l’épisode 8 sus-cité -, sans doute que le film n’aurait pas subi ce déséquilibre verbeux paradoxal et contre-productif. Film aux enjeux dramaturgiques souvent intangibles, UN GRAND VOYAGE VERS LA NUIT manque d’une des qualités premières d’un récit fictionnel : la capacité à créer un lien d’empathie entre des personnages et un public. Mais comment le créer, ce lien, quand le spectateur n’a d’autre prise sur les personnages qu’une (très jolie) vitrine ?

De Bi Gan. Avec Tang Wei, Sylvia Chang, Huang Jue. Chine. 1h50. Sortie le 22 août

 

 

 

 

 

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