Cannes 2018 : LE GRAND BAIN / Critique

14-05-2018 - 08:02 - Par

Cannes 2018 : LE GRAND BAIN

De Gilles Lellouche. Sélection officielle, Hors compétition.

 

Synopsis officiel : C’est dans les couloirs de leur piscine municipale que Bertrand, Marcus, Simon, Laurent, Thierry et les autres s’entraînent sous l’autorité toute relative de Delphine, ancienne gloire des bassins. Ensemble, ils se sentent libres et utiles. Ils vont mettre toute leur énergie dans une discipline jusque-là propriété de la gent féminine : la natation synchronisée. Alors, oui c’est une idée plutôt bizarre, mais ce défi leur permettra de trouver un sens à leur vie…

 

Acteur qui ne sauve jamais un mauvais film, sans pour autant non plus gâcher les bons, Gilles Lellouche est aussi réalisateur. Son NARCO, en 2004, c’était quand même pas rien : il lançait les hostilités d’une certaine nouvelle scène sur le cinéma français, nouvelle scène qu’on a vu mûrir en direct puis vieillir. Mal vieillir, même, quand ils filment leurs vacances au bassin d’Arcachon (LES PETITS MOUCHOIRS, réalisé par Guillaume Canet) ou signent l’avènement de l’humour hétéro-pouêt-pouêt (LES INFIDÈLES, film à sketchs). On craignait que LE GRAND BAIN, dans lequel une poignée d’hommes soignent leur vie bancale par la natation synchronisée, soit prétexte à toutes les beauferies. Mais en ratissant au-delà de son cercle d’amis habituel, Lellouche laisse tomber l’humour connivent (où le spectateur a l’impression de déranger) au profit d’une écriture plus rigoureuse, plus précise. LE GRAND BAIN a ses défauts de scénario (deux personnages, incarnés par Alban Ivanov et Balasingham Tamilchelvan n’ont pas la place d’exister et ne servent qu’à étoffer le groupe notamment) mais il vibre de ses influences « comédie sociale à l’anglaise » type FULL MONTY. Guillaume Canet en fils meurtri et père intransigeant, Benoît Poelvoorde en vendeur de piscines dans le déni de ses dettes, Philippe Katerine en gentil vieux garçon, Mathieu Amalric en chômeur humilié par sa famille, Jean-Hugues Anglade en rock star ratée, mutualisent leurs talents, leurs physicalités, leurs humours, leurs univers très différents pour former un tout homogène, énergique, bon-enfant. Sans jamais virer au requiem pour les sacrosaints quadra blancs et hétéro, Lellouche célèbre plutôt leur tendresse et dresse la carte des difficultés masculines, sociales ou amoureuses, dans un film particulièrement touchant, sous forme de psychothérapie de groupe. Des scènes d’une grande justesse entre le personnage d’Anglade et sa fille, au rapport très contemporain, très égalitaire, qu’entretiennent le personnage d’Amalric et sa femme (Marina Foïs), LE GRAND BAIN n’est que bienveillance et délicatesse envers ses grands garçons. Il faut aussi reconnaître a Lellouche l’écriture très subtile du personnage de Virginie Efira, coach de l’équipe, personnage brisé, très sentimental, et celle, toute en force drolatique, de la suppléante en fauteuil roulant, campée par une Leïla Bekhti dont on admire le savoir-faire comique. Le film, généreux, a toujours une vanne fatale sous le coude, un bon mot (parfois un peu gênant) mais surtout, carbure au cinéma. Il y a une vraie et profonde envie de faire du beau. Lellouche travaille sa mise en scène (assez convenue mais efficace) avec soin et ses cadres avec une faim esthétique insatiable. Ce feel good movie roboratif se paie le plus beau des messages : « c’est pas si mal d’avoir un peu de succès ». Pour un film qui a pour ambition de s’extraire de la médiocrité générale de la comédie hexagonale et tutoyer le haut du panier du cinéma français, c’est cohérent et sacrément malin.

De Gilles Lellouche. Avec Mathieu Amalric, Guillaume Canet, Benoît Poelvoorde, Virginie Efira. France. 1h50. Sortie le 24 octobre

 

 

 

 

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