Cannes 2018 : MEURS, MONSTRE, MEURS / Critique

14-05-2018 - 07:32 - Par

Cannes 2018 : MEURS, MONSTRE, MEURS

D’Alejandro Fadel. Sélection officielle, Un Certain Regard.

 

Synopsis officiel : Dans une région reculée de la Cordillère des Andes, le corps d’une femme est retrouvé décapité. L’officier de police rurale Cruz mène l’enquête. David, le mari de Francisca, amante de Cruz, est vite le principal suspect. Envoyé en hôpital psychiatrique, il y incrimine sans cesse les apparitions brutales et inexplicables d’un Monstre. Dès lors, Cruz s’entête sur une mystérieuse théorie impliquant des notions géométriques, les déplacements d’une bande de motards, et une voix intérieure, obsédante, qui répète comme un mantra : “Meurs, Monstre, Meurs”…

 

Rares sont les films de genre à trouver leur chemin dans les grands festivals. Alors, quand c’est le cas, la méfiance est de mise et pour cause : souvent, les éléments fantastiques et/ou horrifiques se retrouvent relégués à l’arrière-plan, à l’état de détails symboliques – si tant est qu’ils apparaissent clairement à l’écran. MEURS, MONSTRE, MEURS déroge à la règle. Avec sa première scène bien cradingue mettant en scène un troupeau de moutons et une femme égorgée, le nouveau film d’Alejandro Fadel (LOS SALVAJES) frappe fort – d’autres scènes du même acabit suivront, jusqu’à une escalade finale déstabilisante. Immédiatement, le soin apporté à l’esthétique ne manque pas d’attirer l’attention : la lumière, nocturne surtout, se distingue avec ses noirs profonds, ses jaunes chauds, ses ombres cachant ou révélant ce qui pourrait bien être une présence maléfique – à moins que ce ne soit nos yeux qui nous jouent des tours ? Grâce à ces éléments visuels, Fadel construit soigneusement l’ambiance de MEURS, MONSTRE, MEURS. Il insuffle quelques plans choc par-ci, quelques cadrages marquants par-là, contrôle tout avec ses belles compositions et institue avec une facilité déconcertante une atmosphère où tout semble possible, y compris le plus insensé. Plus bizarre qu’effrayant, MEURS, MONSTRE, MEURS a le grand mérite d’embarquer le spectateur dans un voyage singulier. Abordant une multitude de thèmes intéressants – le pouvoir dévorant de la peur, l’incapacité des hommes à lâcher le contrôle, la masculinité toxique, les violences faites aux femmes etc –, le récit a toutefois une tendance à la nébulosité qui amoindrit son impact émotionnel et viscéral. Alejandro Fadel assure que « l’on ne peut pas continuer à exiger que le cinéma soit une machine à raconter des histoires » : dans MEURS, MONSTRE, MEURS, il dilue donc son récit dans un épais mystère et ne cherche aucune efficacité ou clarté de l’intrigue – alors même, paradoxalement, qu’il choisit le mode narratif de l’enquête policière. Un parti-pris qui s’avère parfois payant dans ses dérapages mentaux ésotériques très lynchiens – les Trois Montagnes du décor renvoyant directement aux Twin Peaks – ou lorsque le surnaturel fait irruption de manière frontale et charnelle, rappelant alors LA RÉGION SAUVAGE d’Amat Escalante. Reste tout de même un goût d’inachevé : en dépit des qualités formelles et de l’indéniable talent de Fadel pour créer un univers qui lui appartient, le caractère par trop nébuleux, fuyant à l’extrême, de son récit et de son propos freine l’identification et l’adhésion totale. Une sorte de manque de générosité qui, au final, lui nuit.

D’Alejandro Fadel. Avec Victor Lopez, Esteban Bigliardi, Tania Casciani. Argentine. 1h38. Prochainement

 

 

 

 

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