Cannes 2018 : EVERYBODY KNOWS / Critique

08-05-2018 - 22:37 - Par

Cannes 2018 : EVERYBODY KNOWS

D’Asghar Farhadi. Sélection officielle, Compétition, film d’ouverture.

 

Synopsis officiel : À l’occasion du mariage de sa sœur, Laura revient avec ses enfants dans son village natal au cœur d’un vignoble espagnol. Mais des évènements inattendus viennent bouleverser son séjour et font ressurgir un passé depuis trop longtemps enfoui.

 

Dans un vignoble familial, en Espagne, on se réunit pour le mariage d’une des filles. Ainsi ce sont trois sœurs qui se retrouvent autour de « leurs vieux », entourées de cousins et de cousines venus de
tout le pays, des nièces et des neveux, des amis d’enfance. Laura (Penélope Cruz), qui a voyagé avec ses enfants mais sans son mari (Ricardo Darín) resté en Argentine, renoue pour l’occasion avec Paco (Javier Bardem), un ancien amour qu’elle n’a pas vu depuis des années. Mais la fête tourne au drame quand la grande fille de Laura disparaît. Démarre alors une enquête en famille, un film de souvenirs et de non-dits alors qu’il paraît évident, de plus en plus au fur et à mesure que l’histoire progresse, que « tout le monde sait ». Peut-être même que le public aussi.

Pour autant, l’intrigue installée marche à plein, sur ces quelques hectares de terre où le raisin mûrit moins vite que la rancœur, où les suspects, leurs mobiles et leurs alibis agencés comme dans un roman d’Agatha Christie, s’éliminent à tour
de rôle moins parce que des preuves les innocentent que parce que l’instinct
du spectateur s’aiguise. La narration se met en place, diabolique, pour resserrer les enjeux, en même temps que le récit se déplace, laissant Laura comme un peu derrière, exsangue. D’un film dansant, ensoleillé et très féminin, très beau dans sa légèreté, presque quotidien, EVERYBODY KNOWS devient plus noir, plus écrasant, plus dépressif à mesure qu’il se fait plus masculin. De l’Iran à l’Espagne, le cinéma d’Asghar Farhadi est toujours aussi pénétré de chagrin et de questionnements. Mais si sa maîtrise était au service d’un art parfois social et de personnages pondérés, si ce pays qu’il a tant filmé laissait peu de place à l’exubérance, Farhadi capture ici,
 avec envie, le foisonnement et l’indifférence à la religion.

Débarrassé de la politique, il s’attèle tout entier à l’intensité de l’amour, aux rapports passionnels entre un homme et une femme. Ici plus que jamais, la vie conjugale, la fidélité, les promesses, les peines sont autant de pierres à l’édifice thriller qu’est EVERYBODY KNOWS. Car il n’est « que » ça, un mystère intime et humain, délesté du poids de la société parce que finalement les seules règles qui régissent l’histoire sont celles de cette petite communauté organisée autour de son activité agricole, comme coupée du monde extérieur. À l’instar de l’ouverture du film, succession de plans sur le mécanisme du clocher de l’église (dont le sens est plutôt évident), EVERYBODY KNOWS est une mécanique bien huilée et ne marche que sur la notion de temps. Celui qui couvre le mensonge. Sa mise en scène, d’une précision spectaculaire, sa direction d’acteur qui frise la perfection (la puissance de Javier Bardem est très émouvante)… : Asghar Farhadi fait respirer son cinéma avec des airs plus commerciaux, sans transiger pour autant sur la rigueur qui a fait sa renommée.

D’Asghar Farhadi. Avec Penélope Cruz, Javier Bardem, Ricardo Darín. Espagne/France. 2h12. Sortie le 9 mai

 

 

 

 

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