Cannes 2018 : EN LIBERTÉ ! / Critique

14-05-2018 - 18:02 - Par

Cannes 2018 : EN LIBERTÉ !

De Pierre Salvadori. Quinzaine des Réalisateurs.

 

Synopsis officiel : Yvonne jeune inspectrice de police, découvre que son mari, le capitaine Santi, héros local tombé au combat, n’était pas le flic courageux et intègre qu’elle croyait mais un véritable ripou. Déterminée à réparer les torts commis par ce dernier, elle va croiser le chemin d’Antoine injustement incarcéré par Santi pendant huit longues années. Une rencontre inattendue et folle qui va dynamiter leurs vies à tous les deux.

 

Une grande comédie fait toujours l’effet d’un shoot euphorique comme après un tour de grand huit. La lente montée qui fait frissonner, la dégringolade grisante, les virages surprenants, les bosses, les zigzag et surtout la sensation d’avancer coûte que coûte à une vitesse folle. C’est tout l’effet dingue que produit EN LIBERTÉ !, la géniale nouvelle comédie de Pierre Salvadori. On savait l’auteur de DANS LA COUR et d’APRÈS VOUS à l’aise avec la sophistication amoureuse légère, on le découvre avec ce nouvel opus comme un digne héritier de Blake Edwards. On met la barre haut mais croyez-nous, elle est justifiée. Cela fait longtemps qu’on n’avait pas dégusté une grande comédie aussi libre de tout carcan, osant télescoper à rythme soutenu le burlesque potache, la réplique qui tue, le gag cartoon, la délicatesse du marivaudage et la mélancolie des misfits ! Il y a quelque chose de jubilatoire à voir cette histoire de culpabilité mal placée, de colère lunaire et d’amoureux égarés se développer devant nous avec une telle agilité.

Ouvrant sur un pastiche très drôle de film policier burné très cartoon (avec un Vincent Elbaz en flic super héros), le réalisateur donne le ton d’un film hors norme qui oscillera toujours entre l’énorme et l’intime. On aura beau croiser un serial killer débordé, un sex dungeon très équipé, un sac poubelle qui fume, Zorro, ou même des coups de boule intempestifs, le cap de l’émotion n’est jamais perdu. C’est fort, grisant et surtout hilarant. Imparable, le swing comique de Salvadori n’a peut-être jamais été aussi joyeusement foutraque. Film sur le pardon de soi, l’acceptation de sa propre bizarrerie, EN LIBERTÉ célèbre le droit au bordel et conjure la culpabilité et tous les maux qui nous empêchent d’être en paix avec nous-même par un élan comique et romantique irrésistibles. Tous les personnages de ce film sont blessés, inquiets, pas au bon endroit au bon moment et pourtant ils font preuve d’une énergie et d’une vitalité communicatives. Comme chez Blake Edwards, c’est par le va-et-vient constant entre le dérapage et la réconciliation, que le film trouve son identité. Et quand l’émotion arrive, forcément elle atteint des sommets.

Alors qu’on vient d’éclater d’un grand rire franc devant un gag déroutant, la minute d’après Salvadori est tout aussi capable de déplier une scène intimiste très écrite d’une rare douceur. Finement écrit et observé, le langage amoureux de Salvadori est fait de chute et de rechutes, d’un jeu permanent entre le vrai et le faux, soi et celui qu’on voudrait être. C’est beau des mots d’amours et d’humour quand c’est bien dit. Si Adèle Haenel et Pio Marmaï sont de formidables cinglés attachants, les victimes collatérales Audrey Tautou et Damien Bonnard sont tout aussi brillants. D’une générosité folle aussi bien dans l’humour que dans l’émotion, EN LIBERTÉ est une réussite qui prouve que la comédie n’est jamais aussi belle que lorsqu’elle ose.

De Pierre Salvadori. Avec Adèle Haenel, Pio Marmaï, Audrey Tautou. France. 1h47. Sortie le 31 octobre

 

 

 

 

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